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Misery : Mélancolie IV

Misery - Mélancolie IV

Distant Voices, 2016

Depressive Black Metal, France

Album CD

EP dont les tentacules se répandent sur plus d'un quart d'heure de musique, Mélancolie IV n'est pas seulement la nouvelle offrande Misery, ce qui suffirait déjà largement à notre masochiste bonheur, elle est le réceptacle d'une unique composition, parmi les plus étirées - et donc les plus jouissives - jamais enfantées par Fille de Misère et ce, quand bien même ce format extrêmement dilaté n'a jamais effrayé ce dernier, habitué à ces longues pièces répétitives propre au black metal d'obédience dépressive, n'hésitant parfois pas à franchir la barre symbolique des vingt minutes, témoin le douloureux Messe interdite, extrait l'album du même nom.

De fait, cette dixième hostie ne surprendra peut-être ni le fidèle de cette créature ténébreuse ni le flagellant qui rumine son spleen à longueur de journée mais, en s'abîmant plus que jamais dans les replis intimes d'une chair anesthésiée par la décrépitude la plus absolue, Misery accouche d'une véritable perle noire du genre dont les traits gelés et rouillés évoque autant les premiers Hypothermia que l'inégalé Suicidal Emotions d'Abyssic Hate pour cette capacité à raboter la peau avec ces riffs qui ont des allures de scalpel trempé dans le sang menstruel.

Engourdi par une inexorable désolation, Mélancolie IV égrène pendant dix-sept minutes ce mal-être malsain qui a quelque chose d'une corrosive gangrène. On ne le répétera jamais assez mais il existe une magie (noire) dans cet art dépressif, celle de parvenir à capter (ou pas) une douleur sincère qui ne confond pas contrition et misérabilisme, ce que réussit toujours à matérialiser cette âme tourmentée. Il faut  n'avoir jamais souffert pour ne pas ressentir toute la détresse, toute la solitude qui palpitent sous la couche hypnotique de cette lente rumination, laquelle inocule peu à peu son venin qui nous hante longtemps après que l'écoute se soit tue.  Ici, l'originalité prime moins que les ambiances, funéraires et maladives, figées par le froid hivernal qui englue les carreaux d'une fenêtre, seule ouverture sur un monde souillé. Ecorché et inaudible, le chant participe par son caractère lointain de la dimension fortement instrumentale d'une complainte sinistre qui imprime un tempo sourd proche de la catatonie.

Mélancolie IV est un gemme d'une lugubre démesure, nouveau souffle de mort d'un artiste dont on ne se lasse pas du suint désenchanté.

Childeric Thor - 8/10