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Misery : No Days To The Funeral

Distant Voices, 2015

Depressive Black Metal, France

Album CD

Plus les années passent, plus Misery semble vouloir se détacher de la (Dark) Ambient à laquelle il était tout d'abord arrimé pour s'abîmer dans les méandres toutes aussi glaciales d'un art noir d'une mélancolie contemplative, comme l'illustre No Days To The Funeral, dernier clou en date d'un cercueil qui peu à peu s'entre-ouvre, laissant s'échapper le souffle transi d'une poésie funèbre. Toujours hébergé chez Distant Voices, label aussi rare que modeste qui paraît presque avoir été créé pour lui, l'entité solitaire nous offre en cet hiver 2015 quatre nouvelles plaintes dans la lignée de celles qui hantaient Black Craft Elegies.

Au risque de se répéter, le terrain, froid et tourbeux est connu, le masochiste toujours en quête de rasoirs pour nourrir son spleen, ne sera donc dépaysé ni par ces longues et lentes ruminations dont le caractère répétitifs leur confère des allures de transes hypnotiques ni par ces cris écorchés hurlant un mal-être absolu comme si demain ne devait plus jamais exister. Mais, outre le fait que le Black Metal dépressif (ou non) se juge de toute façon moins par son originalité que par sa faculté à exsuder un feeling malsain et sincèrement douloureux, No Days To The Funeral témoigne à ses l'instar de ses devanciers de l'immense talent de son auteur qui parvient à chaque fois à sublimer un art aux codes pourtant éprouvés, talent qui se conjugue à une capacité toujours renouvelée de puiser dans un terreau aux subtiles nuances de noir.

De fait, à l'image de son bel et noble écrin visuel, cette cinquième offrande longue durée est peinte aux couleurs de l'hiver, froides et désolées, épousant les traits sinistres de paysages neigeux qui se confondent avec le ciel d'une blancheur délavée et frissonnante. L'écouter ne peut qu'évoquer ces terres gelées bordée par une forêt d'une lugubre majesté et que l'on foule d'un pas lourd, seul face à nos démons, nos regrets... Des guitares polluées d'une beauté grésillante et le râle grêle d'un piano décharné peuplent ces pulsations à la peau étirée, installant l'auditeur engourdi dans un état proche de la mort, guidé par ce chant glaçant qui déchire le brouillard. Asunder, In Veins, In Vain et Silver s'enchaînent, marches funéraires et pétrifiées lesquelles, par leurs contours flous, semblent n'en former qu'une seule, dérive morbide mais néanmoins belle que ferme le plus court Failed In Faith comme une prière suicidaire.

Vibrant d'un désespoir infini, No Days To The Funeral est une oeuvre pleine d'une triste et grave noblesse qui touche l'âme, ne pouvant que trouver un écho chez les familiers de la souffrance. 

Childeric Thor - 8/10