La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Pensees Nocturnes : Vacuum

PENSEES NOCTURNES - Vacuum

Les Acteurs de l'Ombre Productions, 2009

Black Metal, France

CD

Le bruit du diamant qui rencontre le sillon d'un vinyle. Une mélodie empruntée à la musique classique qui pose le décor de la pièce dont on sait qu'il s'agira d'une tragédie. Puis l'explosion, le déchirement lorsque surgit ce chant hurlé, possédé. En l'espace de trois petites minutes, \"Lune Malade\", le premier acte - il y en aura six - nous entraîne dans une danse mortuaire lugubre qui envoûte autant qu'elle engourdit. Douloureux.

C'est toute sa haine, sa frustration, son mal être que Vaerohn crie à la surface du monde comme si demain ne devait plus jamais exister. Pensees Nocturnes est son âme, le réceptacle de son désespoir, de sa tristesse, des sentiments accumulées au fil d'une vie grise et sans joie, vierge de sens. Vide. Vacuum ... La vie n'est qu'une attente, durant laquelle l'homme tâche maladroitement de s'occuper.

Seule à la barre, il a choisi pour cela une expression originale, celle du mariage étonnant entre un black metal suicidaire et agonisant et la musique classique. Le fruit de cette union prend aux tripes. Vacuum a cette capacité d'appuyer sur l'interrupteur et de plonger dans l'obscurité une journée pourtant ensoleillée. Oeuvre introspective qu'il semble préférable d'aborder dans sa globalité plutôt que par miettes, ce premier opuscule a quelque chose d'une interminable procession funéraire sous un ciel d'hiver blafard. Pas de lumière ni d'espoir.

Et s'il n'est pas exempt de menus défauts, notamment un son qui manque d'épaisseur, peu organique et surtout une copulation entre deux univers sonores qui manque encore de fluidité, chaques parties donnant par trop l'impression d'être collées les unes aux autres, de se chevaucher plutôt que de fusionner (malgré un début terrifiant, \"Flore\" souffre par exemple un peu de cette faiblesse), ce recueil, qui se déploie sous la forme de (très) longues plaintes de plus de dix minutes chacune, est un bloc de noirceur qu'un brouillard épais drape d'un linceul funèbre.

Curieusement, c'est peut-être \"Coup de bleus\" qui s'impose comme la plus grande réussite de cet album. Il débute à la manière d'un blues inspiré. Puis peu à peu, le ton se durcit. Les notes égrenées par la guitare suintent toujours une mélancolie profonde mais elles se transforment progressivement, quittant les rivages des premiers accords pour s'enfoncer dans une mine de charbon sans fin. Vaerohn dresse ainsi un pont entre le blues et le black metal dépressif, croisement à priori improbable qui s'opère pourtant avec une grande puissance émotionnelle. Mais, après tout, les deux sont des musiques de la douleur.

Pensées Nocturnes maîtrise bien cette science de la montée en puissance, comme en témoigne également \"Epitaphe\", comme celle du fondu enchaîné, chacune de ses haltes se coulant dans celle qui lui succède jusqu'au néant incarné par les mesures terminales de \"Repas de corbeaux\". Le vide. Vacuum ....

Cette ode au suicide réussit à évoquer avec une retenue, une justesse certaines, ces paysages de banlieues naufragées, glauques, ceux mis en image notamment par Alain Corneau dans son abyssale \"Série noire\" (les cinéphiles comprendront). Un premier essai prometteur.

Childeric Thor - 7/10