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Sombre Présage : De la lumière à l'ombre

SOMBRE PRESAGE - De la lumière à l'ombre

Occultum Productions, 2007

Drone ambient, France

EP

Mené par Voxum, le gérant du (défunt) label Occultum Productions, Sombre Présage est un projet musical très particulier. Ce n'est pas vraiment du metal, voire pas du tout, bien qu'Occultum ait produit pas mal de groupes metalleux. SP officie plutôt dans le \"drone\", une sorte d'ambiant ritualiste sombre, très sombre, et difficile d'accès. Eh oui : Voxum est élitiste, fasciné et sans compromission... Autant de traits de caractère qui se ressentent dans le drone de Sombre Présage, qu'il faut aborder avec patience et concentration pour en tirer tout le sel.

Ici, point de riffs ravageurs ni de blast beats. Quand je dis que Voxum est fasciné, c'est par le christianisme. L'art chrétien, la fondation de la foi sur la douleur et sur le mal (le symbole du christianisme n'est-il pas la croix du crucifié ?) se retrouvent au coeur du concept de SP. Le MCD De l'ombre à la lumière, offert en bonus avec une édition collector de l'album Intégrisme, contient trois pistes sans nom.
La première s'ouvre sur une pluie battante. Un bruit arrive, un espèce de tintement de cloche vaguement distordu, sur lequel se glissent des chants de moines. Les moines poussent leurs cantiques, lentement, avec la solennité et la gravité des ordres de Dieu au Moyen-Âge, sous des trombes de pluie frappant le toit du monastère et une cloche hypnotique qui revient, toutes les dix secondes, même après que le cantique soit fini... Le décor est planté.
La deuxième piste est plus calme. Les chants grégoriens sont toujours là, cependant Voxum les a rendu graves, résonnants. Ils ressemblent plus à des chants tibétains ou mongols qu'à des chants de moines occidentaux. Des notes angoissantes soufflent sur le choeur, comme le vent lent d'un air qui aurait du mal à circuler. On se croirait dans une bouche d'aération, dissimulé près d'une salle d'église clandestine, à entendre les échos réverbérés des prêtres d'une mystérieuse secte. Quelques notes plus légères, une petite clochette viennent relayer quelques instants le choeur long, ininterrompu, des moines noirs... Malgré l'influence (involontaire ?) des chants tibétains, SP reste occidental. Le côté pesant, ténébreux, et en même temps ritualiste jusqu'au bout vient sans cesse effleurer l'auditeur. De l'ombre à la lumière est plus méditatif que d'autres réalisations de SP, notamment Murmures Funèbres Perdus dans la Brume, un gros morceau de drone sorti deux ans plus tôt. Ce MCD était beaucoup plus violent, plus angoissant. Les titres ici présents sont ténébreux mais plus méditatifs. On assiste à un étrange rituel, où le ciel et l'enfer se confondent dans des voix subtilement mises en relief.
Sur la troisième piste, le souffle de la précédente se fait plus poignant. Cette fois, l'aspect humain des voix disparaît : plus de choeurs, mais des larsens de guitare étouffés, longs et lents à souhait, qui viennent étreindre l'auditeur. Ce morceau est moins sombre que le précédent. Les prêtres ont disparu, laissant place à un monastère désert sur lequel souffle un vent d'altitude. L'atmosphère est grinçante, et en même temps libératrice. On ne sait plus si on entend des notes ou de lourds vanteaux qui grincent aux encoignures. En tout cas, si la deuxième piste nous coinçait dans un étrange monastère, la troisième nous en fait sortir. Des formes étranges se déplacent, accompagnées par un vent de montagne qui purifie tout. Au fil des minutes, les larsens continuent à se déchirer fébrilement, avec une certaine douceur (des larsens distordus et doux ? Peut-être l'écoute prolongée de ce MCD m'a-t-elle plongée dans un état bizarre...), puis se mêlent à de rares notes de clavier pour disparaître finalement. Seul le vent reste, avec son chuintement caractéristique. Seul le mouvement impersonnel, celui qui créée la vie et qui la balaie, continue d'exister : le reste tombe en poussière.

De l'ombre à la lumière porte bien son nom. Collector, produit en peu d'exemplaires et rapidement vendu à des fans exigeants, il est pourtant un des MCD les plus abordables musicalement parlant pour découvrir Sombre Présage. Si vous aimez l'ambiant, la noirceur et que vous savez à prêter attention à une musique difficile d'accès, De l'ombre à la lumière est pour vous. Qui plus est, Voxum soigne ses fans : les sorties de Sombre Présage sont systématiquement agrémentées d'un très beau packaging. C'est le cas pour Intégrisme et pour son MCD bonus. Cependant, si je devais faire un reproche à SP, ce serait celui de sortir trop de vinyles au détriment des CD. Le vinyle a beau être LE support musical par excellence, tout le monde n'a pas de tourne-disque chez soi. Même pour le public clairsemé qui saura apprécier Sombre Présage, les mp3 peuvent être un bon moyen de répandre le ritualisme noir de Voxum, et cette chronique en est la preuve vivante puisque je n'ai jamais eu De l'ombre à la lumière entre les mains.

Geodaxia - 8/10