Wolfspell Records, 2022
Black Metal, France
Album CD
Ses membres historiques se consacrant à divers projets parallèle (Inexistence pour Psycho, Loup noir ou In The Mist pour Alrinack), Suicidal Madness se fait malheureusement moins fécond depuis quelques années. Vestiges d'une ère ne date certes que de deux ans mais il ne s'agissait que d'un dépoussiérage d'anciens titres, au demeurant réussi et justifié. Il faut donc remonter à 2019 et Dégénérescence pour le voir enfanter un véritable album. Raison pour laquelle - entre autres - Par delà le bien et le mal est aujourd'hui accueilli avec enthousiasme par tous les admirateurs de ce groupe majeur de la chapelle black metal hexagonale.
Il est fréquent de lui accoler l'adjectif "dépressif" lorsqu'on aborde la musique ruminée par Suicidal Madness. Par facilité, méconnaissance ou pour le souvenir de ses premiers pas effectivement placés sous le signe d'une mélancolie baudelairienne. Mais de l'eau (noire) à couler sous les ponts depuis et les Français ont muri, progressé. Et si ni la noirceur ni le désespoir n'en sont toujours pas éconduits, leurs dernières offrandes tendent de plus en plus à dépasser le simple cadre du DSBM, à s'en affranchir pour errer dans les méandres d'un black metal dans sa définition première, sinistre et crépusculaire.
Cette évolution se traduit en outre par une ambition accrue qui puise dans ce quatrième méfait sa parfaite matérialisation aussi bien dans le fond que dans la forme. Le fond, comme son titre le laisse aisément deviner, s'inspire de Par delà la bien et le mal de Friedrich Nietzsche dont chercher à l'adapter, à la transposer ainsi, tient de la gageure pure et simple. A sa modeste mesure eu égard au monument tant littéraire que philosophique auquel il a décidé de se frotter, Suicidal Madness parvient pourtant à capter l'essence même du livre et de sa thématique qui lui dicte une partition plus complexe qu'à l'accoutumée, plus tourmentée sans aucun doute, à l'image du très beau visuel qui lui sert d'écrin et que signe l'incontournable Macchabée Artworks.
Une palette sonore enrichie de notes de piano (dues à Erroiak) et de violoncelle (tissées par François Boyenval de Nyss et K), sans oublier de fantomatiques mélopées féminines, participent quant à elle d'une forme plus recherchée, témoin le morceau éponyme à la fois brutal et délicat, abyssal et tragique, torrentiel et chargé d'émotions, point d'orgue d'un menu dont l'enrobage abrasif et l'architecture trapue (moins de quarante minutes au garrot) masquent pourtant un travail extrêmement élaboré. Certes pur album de black metal, ce qu'il doit autant aux vocalises habitées, écorchées, d'un Alrinack plus possédé que jamais, qu'à cette vélocité impétueuse ('Le crépuscule des idoles') ou ces lignes de guitares obsédantes, Par delà le bien et le mal s'abîme aussi et d'une manière étonnante dans les arcanes d'un doom death granitique, comme l'illustre notamment 'Un rêve de Nihil' qui vibre d'une mélancolie pluvieuse.
Il en résulte une création d'un romantisme funéraire qui s'écoule parfaitement dans l'univers cher à Suicidal Madness tout en lui permettant d'assouvir ses ambitions musicales inédites.