La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Aghone

Dark metal nationaliste, France

Avril 2009

En guise de dernière interview de ma part pour LA HORDE NOIRE, voici un entretien des plus intéressants qui s'imposait avec Aghone et sa tête pensante, puisque cette nouvelle formation, certes engagée, a un discours réfléchi loin des stéréotypes puérils qui gangrènent la scène extrême et propose une musique qui là aussi dépasse les cloisonnements. Comme quoi l'underground reste le berceau de la création, même si un tri drastique s'impose plus que jamais, mais gageons que le potentiel de Aghone et de son métal "patriotique" est très élevé...

1) Plus d'une année s'est écoulée depuis la sortie de votre première demo Pro patria mori, quels en ont été les retours ?

Lohengrin : Les retours ont été très bons bien que relativement confidentiels. Nous avons écoulé une centaine de démos de Pro Patria Mori. Le public rencontré lors des concerts a été agréablement réceptif malgré une culture musicale souvent plus RAC et OI que métal ou black métal.

2) Quelle est l'actualité d'Aghone depuis cette première production prometteuse, car elle appelle bien une suite ?

Comme je viens de l'évoquer, nous avons joué sur scène : deux dates exactement. Nous avons également continué les répétitions mais à une fréquence hélas bien réduite du fait de nos emplois du temps très chargés. Aussi nous n'avons aujourd'hui (avril 2009) que deux nouveaux morceaux.

Mais surtout, le line up a évolué puisque Mervyn (batterie) a dû nous quitter pour aller vivre à l'autre bout de la France sur les terres normandes. Malgré plusieurs tentatives nous ne sommes toujours pas fixés quant à qui sera le prochain batteur d'Aghone. J'en profite pour lancer un appel à musicien si quelqu'un est intéressé par le poste derrière les fûts, qu'il me contacte via le site.

Nous accueillons depuis peu un nouveau guitariste venu m'épauler durant les lives ; il s'agit de Xavier qui est un excellent musicien officiant dans un célèbre groupe de black métal par ailleurs.

3) Revenons aux sources de Aghone, comment est né ce projet, s'agit-il d'un projet de longue date ajourné ou plutôt le fruit d'une certaine frustration dans tes autres projets ?

C'est un peu de tout ça à la fois ! C'est en effet un projet de longue date que je n'ai jamais pu mener à bien jusqu'à 2006, date à laquelle j'ai rencontré (enfin) les personnes compétentes pour m'assister dans cette tache. C'est également le groupe qui me ressemble le plus, tant au niveau musical qu'idéologique, et donc dans lequel je m'investis corps et âme.

4) Aghone a été pensé intégralement par toi, s'agit-il alors d'un vrai groupe ou à la différence de tes autres groupes d'un projet personnel. Contrairement à tes autres groupes, Aghone a plus d'identité, quelle part de toi-même y mets-tu ?

Tu soulèves un paradoxe intéressant. Aghone est mon projet personnel, mon essence, mes tripes et mon sang. Cependant, je n'aurai jamais pu en accoucher sans l'aide de mes deux kamarades (Holzer et Mervyn). Aussi, c'est à la fois le porte-voix de mes révoltes profondes et le groupe de trois personnes qui ont crée une alchimie sans laquelle la musique d'Aghone ne pourrait prendre toute sa dimension. Ce sont mes mots, mes angoisses et mes cris de détresse que Holzer et Mervyn transportent avec talent dans Pro Patria Mori. J'espère que par la suite, nous garderons cette flamme créative avec Holzer et que nous saurons la partager avec les autres musiciens. Nos derrières répétitions sont plutôt prometteuses dans ce sens.

5) Chaque membre officie d'ailleurs dans différents groupes en activité, vous n'en faites aucune mention. Pour quelle raison, est-ce dû au côté engagé de l'oeuvre?

Non. C'est n'est pas pour cet aspect politique. Je ne préfère pas mentionner les autres groupes dans lesquels nous jouons afin de ne pas souffrir d'un amalgame que le public pourrait faire naturellement et qui pourrait pervertir le jugement à l'écoute d'Aghone. Aghone est un groupe à part entière dans lequel les musiciens ne jouent pas un rôle mais se révèlent et se transcendent. Les groupes de black metal dans lesquels nous jouons impliquent de conserver un certain mystère et d'afficher une image spéciale car c'est un genre musical qui va de paire avec une imagerie forte.

6) Aghone se distingue de tous vos autres groupes, c'est un projet bien plus ambitieux tant musicalement que conceptuellement. Quelles ont été tes influences ? Quelles sont tes ambitions avec Aghone, j'imagine que tu ne souhaites pas qu'il reste au statut de « groupe local »?

Mes influences sont des plus variées ! Je suis dans la scène black Métal depuis plus de dix ans maintenant et c'est la musique qui m'a toujours fait vibrer. Par ailleurs j'écoute tous les styles de musique du bon vieux heavy métal à l'électro indus martial et en passant par le punk et ses dérivés (rac, oï !...). Je suis également assez friand de musique baroque et romantique et j'essaie d'allier toutes ces influences au sein d'Aghone. J'aime qu'il y ait la puissance du black métal, tout en conservant un coté brut très « punk »-rac et une ligne mélodique qui soit aussi majestueuse qu'un thème classique. Les textes doivent se fondre avec la musique qui les transporte et leur donne corps et chaque mélodie doit représenter un sentiment fort.

Evidemment, je désire qu'Aghone accède à la reconnaissance en tant que véritable groupe métal original. Mais j'espère pour cela avoir l'opportunité de jouer dans de gros concerts métal (de préférence black métal) afin d'être entendu par tous.

7) Il est temps de nous éclairer sur le choix du patronyme du groupe et d'une façon générale sur les textes utilisés par Aghone.

Il s'agit du nom d'un personnage de Lautréamont dans Les Chants de Maldoror comme tous les pseudos des membres du groupe. C'est aussi un homonyme de l'étymon grec agon qui signifie « combat ».

Les textes d'Aghone traitent du combat sous toutes ses formes et le mini CD est plus précisément axé, comme son nom l'indique, sur la guerre. J'ai voulu sanctifier le combat martial pour la sauvegarde de l'identité. Je veux honorer les soldats qui ont su mourir pour sauver leur terre et leur sang. Je célèbre le courage des guerriers et appelle à la résistance les peuples européens.

8) Aghone se veut un projet engagé, vous vous définissez vous-même comme metal patriotique, ce n'est donc pas en filigrane mais affiché. Pourquoi ce côté plus affiché là où beaucoup de groupes font dans la demi-teinte ou alors font dans la provocation claire et nette et sont relégués à la « clandestinité », qu'attendez-vous comme réaction ?

En effet, j'affiche clairement le lien entre la musique et la politique là ou d'autres préfèrent s'abstenir. Cette volonté délibérée a pour but de renouer avec une vieille tradition européenne de l'art qui est intimement lié à la chose publique (la respublica) comme les grecs avec leurs tragédies ou les poètes latins, je pense que la musique est un vecteur redoutable pour les idées et il serait regrettable de s'en passer. Je pense aussi que la musique est plus intéressante lorsqu'il y a du fond : ça devient alors un art total. Néanmoins, Aghone restera toujours dans un débat élevé qui ne peut pas souffrir la censure. Les extrémismes provocants ne servent à rien sinon à renforcer nos ennemis. Aussi, c'est bien de « patriotisme » dont il est question avec Aghone. Pour être efficace, il faut toucher le plus grand nombre et pour cela il est indispensable de parler des choses qui unissent et non de ce qui divise.

9) Le concept de « patrie » est tombé en désuétude et est aujourd'hui clairement relégué dans le camp de l'extrême-droite, pourtant fût un temps où il était valorisé chez la plupart des citoyens malgré le clivage des partis; être patriote était valorisant, peu importait le parti et les convictions par ailleurs, on trouvait même cette notion dans les programmes scolaires de notre éducation républicaine jusque dans les années 60. Comment expliques-tu cette désaffection et ce passage du valorisant au subversif ?

C'est en fait assez simple : la seconde guerre mondiale a frappé à jamais d'opprobre le sentiment national ! En effet, les différents régimes totalitaires qui se sont illustrés durant cette période ont mis à mal la fierté patriotique en instaurant une certaine méfiance à son égard. Enfin, les événements de mai 68 et son idéologie anti-autoritaire, son idéal internationaliste (notamment communiste) ont achevé de diaboliser et renvoyer dans les affres de l'Histoire les sentiments patriotiques ou nationaux. D'où mon sentiment exprimé à la question précédente qu'il est urgent de savoir ne pas tomber dans un extrémisme qui ne fait que desservir la cause. Nous devons être radicaux dans notre vie mais ne pas devenir des épouvantails pour la société.

10) Mourir pour sa patrie d'un côté, de l'autre une patrie qui méprise le patriotisme : pour toi qu'est-ce que la patrie ? Comment concilies-tu cela avec la misanthropie qui était à la source du black metal ?

La « patrie » est précisément le sol, la terre, le territoire hérité de nos pères (pater) et non la « nation » qui étymologiquement porte en elle l'idée d'« agrégation » de populations diverses autour d'un idéal commun (en grec) : ses populations pouvant être composées d'éléments halogènes comme les enfants des colonies. Aussi, je préfère le terme de « patrie » qui est porteur d'un sens plus noble : celui d'une terre identifiée à un père dont nous sommes les enfants. C'est la patrie charnelle : nous sommes liés à notre terre par notre sang.
Je pense que la misanthropie peut se cultiver indépendamment des idées politiques. Lord Byron, bien que célèbre écrivain romantique anglais, a su aller mourir en se battant contre l'invasion de la Grèce par les turcs au XIXe siècle. Personnellement, je continue d'être extrêmement pessimiste à l'égard de l'homme mais je considère qu'il peut justement se dépasser par l'action politique et militaire, par le combat et la défense des siens. Le salut de l'homme réside dans ses actes. S'il reste inactif - comme c'est le cas aujourd'hui pour la plupart - il ne dépasse pas le simple statut d'animal évolué et « pensant ».

11) Aghone est sans conteste un groupe engagé mais en même temps un groupe raffiné et émotionnel, en général les deux ne vont pas de paire. Aghone doit-il séduire par sa musique ou par son concept et pourra-t-il être compris ?

En réalité, l'important est le discours : il doit primer sur la mélodie. Cependant, le choix d'une musique pourvue d'une certaine sensibilité et d'harmonies épiques est justement justifié par la volonté de toucher le plus grand nombre et de porter les textes au sommet le plus haut possible. C'est un vecteur pour le discours.

12) Tu es monté sur les planches aux cotés de groupes de RAC, qu'elles ont été les réactions du public ? Quel public veux-tu conquérir ? Qu'attends-tu d'un concert de Aghone, allez vous par la suite mettre en place quelque chose de spécial pour la sur scène ?

Les réactions du public ont été bonnes à ma grande satisfaction. Je veux conquérir tous les publics possibles pourvu qu'ils soient composés de frères européens. Un concert d'Aghone, je l'espère, va par la suite donner lieu à des combats au sein même des salles de concert lorsque nous apparaîtrons dans les show métal. Nous serons toujours les mêmes sur scène que ce soit en rac ou dans un concert métal : nous ne ferons aucun compromis et ceux que cela dérange seront bien accueillis s'ils cherchent à nous nuire...

13) Pourquoi ce sample allemand des années 30 controversé dans le premier titre illustré par un texte antique ?

Il ne s'agit pas d'un hommage à l'auteur du discours (puisqu'il s'agirait alors de tomber dans l'extrémisme facile et néfaste au mouvement) mais simplement l'illustration sonore de la fureur qui doit nous habiter. C'est une invitation à réagir, une invective qui doit être considérée pour l'enthousiasme qu'elle porte. Ses propos sont ceux d'un homme qui galvanisait les foules et qui a su mobiliser des troupes autour d'un idéal commun. Il y a évidemment une volonté délibérée de choquer par ce sample du discours de Nuremberg qui m'a séduit par sa violence et la ferveur que l'on peut percevoir dans la voix. Le concept de sacrifice pour la patrie est universel et omni temporel et il aurait été bien difficile de trouver un sample de Léonidas invectivant ses troupes à Sparte ou de Napoléon à Austerlitz !

14) Concernant le rapport des textes et de la musique, la musique a-t-elle été première et tu as alors cherché de beaux textes forts, ou ce sont plutôt des textes qui te parlent et que tu souhaitais illustrer musicalement ?

Les textes sont d'abord élaborés ou choisis puis la musique est composée en fonction de ces productions écrites.

15) Il existe désormais une passerelle entre la scène Rac et la scène black / pagan / dark metal, mis en place par le biais du NSBM. S'agit-il vraiment du même univers, et de la même vision du paganisme par exemple ?

Pas vraiment en réalité. La scène rac n'est pas aussi franchement orientée paganisme. Il n'y a qu'une partie des supporters de la scène rac qui se sente véritablement appartenir à une tradition païenne mystique. La plupart sont en réalité plus proche d'un athéisme raisonné que d'une religion.

16) Quel regard portes-tu sur notre monde moderne ? Faut-il combattre et que combattre et par quels moyens ?

Chaque époque a cru être l'époque « moderne » : il n'y a pas de modernisme. Je pense que le XXIème siecle est l'apogée de la société consumériste et capitaliste initiée au XIXe siècle. Nous traversons une époque où l'on atteint le degré ultime de l'idéologie libertaire : liberté des marchandises et du commerce et liberté des hommes de voyager et passer les frontières sans aucun problème. La libre circulation des biens et des hommes va de paire avec la libre circulation des moeurs et idéologies : on en vient à se mettre au service des musulmans dans les cantines de nos écoles, on perd tout sentiment d'appartenance à une patrie charnelle... Dans le même temps on prêche une sacro-sainte laïcité qui est une vaste mascarade et ne se fait qu'au détriment de l'église catholique (je te laisse tirer les conclusions nécessaires quant aux raisons des instigateurs de cette idéologie). Mais surtout, ce sont les limites des régimes démocratiques que nous voyons apparaître aujourd'hui. Le pseudo pouvoir accordé aux peuples ne peut mener qu'à la décadence de ceux-ci en poussant vers le bas le système éducatif, la culture, les sentiments identitaires...

Je pense qu'il faut lutter contre le cosmopolitisme et le métissage qui sont le poison de l'Europe. En vérité, je pense que nous régressons et que le modernisme est derrière nous. Est-ce qu'une nation qui tue ses enfants (avortement) est moderne ? Est-ce qu'une nation où l'on divorce à tour de bras, où les femmes sont bafouées par une pornographie ambiante de bon goût et de petits machos islamisés est moderne ? Est-ce qu'une nation incapable de gérer la sécurité dans certains de ses territoires est moderne ? Enfin, est-ce qu'une nation qui renie son Histoire peut aller de l'avant et donc être moderne ? Notre confort matériel s'est considérablement augmenté au détriment de nos valeurs.

17) Bon nombre de groupes dans la scène black metal continuent à fustiger le christianisme, et s'imaginent tels des guerriers, qu'elle est ton opinion sur cette attitude, finalement lutter contre le christianisme aujourd'hui n'est-ce pas lutter contre du vent, tout comme les « anti-fa » et leur chasse aux sorcières ?

En effet, c'est un de mes chevaux de bataille ! Être anticlérical est une vieille tradition de la gauche française qui a toujours vu dans l'église le vestige d'une gloire nationale passée : celle de la monarchie absolue. Il n'y a plus aucune gloire à taper sur une Eglise moribonde comme celle d'aujourd'hui qui est déjà supplantée par un Islam grandissant et bientôt certainement vainqueur sur le christianisme. Les mêmes courageux que je vois insulter l'Eglise et ses représentants sont ceux qui restent en arrière lorsqu'il s'agit d'aller manifester et se battre contre les représentants d'une gauche minable ou de l'islam (bien plus liberticide que le christianisme), c'est d'ailleurs ce qui m'a éloigné du mouvement black métal et de ses beaux parleurs.

18) Ce clivage entre « facho » et « antifacho » n'est-il pas anti-productif ? Se retrouver dans un camp comme dans l'autre ne conduit-il pas à l'inaction ?

En effet. J'ai encore du mal à comprendre parfois le rejet auquel nous faisons face alors même que bien souvent peu de chose nous séparent... Nous devrions tous nous opposer à l'immigration puisqu'elle est l'armée de réserve du capitalisme (dixit Marx !). Ce que n'ont pas compris les gauchistes de tous poils, c'est que l'immigration n'a toujours servi que le capitalisme qu'ils abhorrent ! Les patrons ont fait venir une main-d'oeuvre halogène moins couteuse et plus flexible afin de pouvoir baisser les salaires des ouvriers français en les mettant en concurrence avec d'autres étrangers. C'est l'origine même de l'immigration en France et non pas comme le veut le mythe : demander à des étrangers de faire un travail ingrat que les ouvriers français n'auraient pas voulu faire après la guerre (ridicule). Enfin, je crois que les antifachos luttent en vérité contre eux-mêmes et ont un sérieux problème d'identité à régler.

19) D'ailleurs, que répondras-tu à ceux de la scène metal qui fustigeront ton concept et n'en voudront rien savoir, le classeront simplement tendancieux et le mettront de côté ?

Je n'oblige personne à adhérer aux idées propagées par Aghone. Néanmoins, je pense qu'il s'agit de thèmes majeurs et universels qu'un jeune européen doit comprendre et auxquels j'invite à s'identifier : le sacrifice pour une cause, les liens qui nous unissent à notre terre... je pense, par ailleurs, que le black métal ne parle que de ça depuis toujours mais dans des langues différentes et à propos de territoires différents (Scandinavie...), aussi : où est le mal ?

20) Quelque chose à rajouter ?

Je comprends que certains voient d'un mauvais oeil le mélange de l'art (musique) et la politique. Cependant je leur réponds que cela existe depuis la Grèce antique et qu'il ne faut pas s'en inquiéter. Mon choix est de mêler les deux volontairement dans le but d'instruire et d éveiller les consciences si cela est possible selon un vieille héritage latin : placere, docere et movere (plaire, instruire et émouvoir), la doctrine de l'art pour les romains.

Adnauseam