La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Aube Grise : Feue

Distant Voices, 2016

Black Metal, France

Album tape

Que Feue, offrande séminale que nous livre aujourd'hui Aube Grise, voit la nuit par l'entremise de Distant Voices, artisan passionné que nous chérissons particulièrement,  ne surprend pas vraiment et ce, pour deux raisons au moins. La première réside tout simplement dans le fait que, derrière ce mystérieux projet, se cache en fait la propre photographe du label, la talentueuse Anna M. La seconde tient dans le contenu même de cet effort dont les atours froidement mélancoliques trouvent dans cette antre où se croisent des entités telles que MiserY, Arbre ou bien encore Brouillard, le terrier naturel pour se nicher.

De fait, les habitués ne seront pas dépaysés à l'écoute de cet album publié sous le seul format cassette, dernier support véritablement underground, taillé du reste pour ce genre de productions dont le tirage forcément limité - 43 copies pas davantage - leur confère des allures de trésors que ne possède qu'une petite poignée de fidèles. C'est un black metal solitaire aux confins de l'ambient qui infuse de cet opus dont le socle est constitué de huit plaintes aux ambiances maladives.

Aube Grise ne s'affranchit pas des codes inhérents à cet art noir suicidaire, tant visuels que sonores mais, outre le fait que son propos est de toute façon ailleurs, force est pourtant de reconnaître le noble lustre sinistre de ce méfait dont le caractère reclus et onanique de sa conception l'enrichit d'une dimension introspective voire quasi contemplative. Et si Feue n'écarte pas les plis de sa ténébreuse intimité sous les meilleurs auspices, témoin en ouverture ce Gris sale aux traits éprouvés, très vite cette (relative) déception cède du terrain à la faveur des ruminations suivantes, plus personnelles, plus douloureuses surtout, propices à la décoction d'un mal-être infini (Noir corbeau).

Arpèges osseux qui ont la sécheresse d'une peau vieillie (Sous un ciel de marbre), guitares polluées que rongent une décrépitude absolu (C) et chant hurlé vrillent une trame rampante, parfois simplement instrumentale (1289), comme figée par un inexorable désespoir. D'un hypnotisme funéraire, ces complaintes charrient une poésie glaciale et terreuse, neige sale qui se répand en un tapi de sentiments mortifères, de regrets inavoués. Si une beauté forestière suinte par moment, comme sur Sorcière, par exemple, l'œuvre grouille d'une vermine sourde, celle de la mort qui emporte le plus petit souffle de vie... 

Childeric Thor - 7.5/10