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Aube Grise : L'encre et la terre

Distant Voices, 2017

Black Metal, France

EP CD

Bien qu'au départ, projet solitaire entre les seules mains d'Anna M., photographe du label Distant Voices, Aube Grise s'est presque mué en un duo depuis que Thomas Bel, l'âme de Misery sous le sobriquet de Fille de Misère, vient placer quelques lignes de chant de clair (sur Hanterieur) ou des nappes ambient (sur cette Encre et la terre qui nous intéresse aujourd'hui) mais l'entité n'en reste pas moins viscéralement recluse dans sa peinture d'un mal-être profond.

Son écoute invite à une forme d'introspection, empreinte d'une sinistre contemplation. Intime et esseulé, son art a quelque chose d'un gisant abandonné dans le froid, au milieu d'une nature tourbeuse. Cette nouvelle offrande illustre plus que jamais ce sentiment d'abandon qui imprègne jusque dans sa chair cette créature crépusculaire. S'abîmant toujours plus profondément dans une désolation cendreuse, Aube Grise propose cette fois-ci un seul et long râle qui étire ses vingt-six minutes de souffrance pétrifiée avec une force souterraine.

Après quelques accords grêles d'un piano fantomatique, que vient peu à peu polluer une rouille (dark) ambient aux confins d'une noise désincarnée, la plainte entame un chemin ravagé par des vocalises hurlées, meurtri par des guitares souillées et ferrugineuses, secoué par une rythmique métronomique en mode rafale dans le style maison cher à Distant Voices. Mais de nombreuses pauses mortifères mitent cette trame aux allures de tunnel sans fin. Les silences, le pouls d'une basse lugubre et des sonorités pluvieuses ou le bruit du glas jonchent une partie centrale striée de riffs dissonnants avant que le torrent ne connaisse une nouvelle crue, charriant sa haine avec une puissance saccadée.

Immersive, l'oeuvre conceptuelle libère des atmosphères enveloppantes, cyclique, elle s'achève comme elle a débuté, par les mêmes notes de piano, symbole de la vacuité d'une existence qui tourne à vide, souillant la terre d'un jus nocif. La terre donne et reprend la vie, en un mouvement de balancier dont cette piste est la parabole funèbre... 

Childeric Thor - 7.5/10