Black metal, France
24/01/2016
Fort de leur nouvelle offrande parue sous le label helvétique Asgard Hass, la formation lyonnaise Dux a accepté une interview de la Horde Noire. Entretien avec Glaurung Samildanac'h, bassiste et chanteur du groupe...
Bonjour et merci d'avoir accepté cette interview. Ne perdons pas de temps et commençons directement dans le vif du sujet.Dans un premier temps, pouvez-vous nous présenter brièvement l'entité qu'est Dux et ce qu'elle représente à vos yeux ?
Dux a été, à ses débuts, mon projet solo, un « one-man band ». Aujourd'hui, c'est un groupe à part entière. Le groupe est formé d'Anksudams (batterie), de Négatif (guitare) et moi-même (basse, chant). Un second guitariste, Lord Sneïk, devrait nous rejoindre prochainement pour les concerts. Négatif et moi nous partageons la composition, je m'occupe des textes et nous faisons évoluer les morceaux en commun.
Je ne sais pas pour les autres, mais en ce qui me concerne Dux est la prolongation de ma personne, une annexe de ma personnalité. C'est le moyen que j'ai pour exprimer mes sentiments les plus sombres. Une sorte de catharsis en somme. J'y mets beaucoup de mon âme.
Comment vous est venue l'idée du nom de la formation ? En quoi celui-ci retranscrit la musique de Dux ?
Le nom a été choisi par ce qu'il est simple, facile à retenir et en latin. A l'origine (avant que ce ne soit mon projet solo), c'est avec un copain qu'on voulait monter ce groupe. On voulait du chant en latin car il pouvait s'en charger. Ca ne s'est pas fait, mais je ne voulais pas jeter mes morceaux, donc j'ai enregistré la première démo seul. Et puis au niveau de la signification, Dux, c'est le chef, comme dans Dux Bellorum (chef de guerre). Pour du black metal, ça fonctionne bien (mieux que Fleur d'Arc-en-ciel d'Amour).
Est-ce que le nom colle bien aux textes du groupe ou à notre musique ? Je n'en sais rien. C'est ainsi, c'est tout.
Afin de nous différencier des groupes ayant la même consonance, nous ajoutons « the true » devant Dux, en clin d'œil à Mayhem et parce que ça nous fait rire.
Votre actualité est surtout basée sur la sortie de votre nouvel album "Carnations". Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de création de cet album ainsi que sur le concept sur lequel celui-ci est basé ? Peut-il être mis en écho avec vos précédentes sortie en termes de thématiques ou est-ce une nouvelle page de l'histoire de Dux qui se tourne ?
Carnations est, en effet, une sorte de concept-album. Il est basé sur des réflexions sur le sens de la vie, sur la vanité de l'existence, les tourments de la chair et puis la mort qui est tout au bout. Il dépeint la condition humaine, d'où le titre : les carnations, en peinture, sont les couleurs des chairs et la façon de traiter la peau. C'est aussi pour ça que l'album commence par des battements de cœur - le premier hurlement pouvant être assimilé au premier cri du nouveau né - et s'achève par le glas. Nous avons pris un peu plus d'un an pour composer, faire tourner les morceaux, les faire doucement évoluer jusqu'au studio.
L'album est dans la continuité du précédent. D'ailleurs on retrouve - sous mixées - les dernières mesures de Vintras dans l'intro de Carnations et les premières notes du premier titre sont la suite du dernier de Vintras. Même s'il y a une continuité d'un album à l'autre, on ne voulait pas faire un Vintrasbis. Les textes sont plus fouillés et plus personnels. Et, musicalement, on a tenté plus de choses, qu'on n'aurait pas faites sur l'album précédent.
Avec du recul, comment percevez-vous vos sorties précédentes ?
La première démo, Un trouble dans la pureté du néant, est assez dégueulasse, le son est bien pourri et c'est le bordel. Mais je l'aime bien, elle dégage une atmosphère très obscure. Ezoterik , la seconde démo, est bien plus propre et mieux produite que la précédente . C'est aussi la plus brutale. C'est le dernier enregistrement en « one-man band ».
Vintras se veut la continuité d'Ezoterik, en mieux produit. Le son est délibérément « cru ». Le EP Lanleff a été l'occasion d'expérimenter un peu, avec sur la face A une tentative de metal « progressif » (Les cercles de Lanleff). Pour ce EP, enregistré dans l'urgence, on voulait un son très 80's, façon heavy, pour changer un peu de ce qui se faisait.
Carnations essaie de reprendre le meilleur de chaque enregistrement précédent.
Lors de ma chronique, j'ai mentionné un élément important de cette sortie : la pochette. Pouvez-vous nous en dire plus sur celle-ci ?
Tout comme pour le son, nous voulions rester simple et mettre en cohérence le visuel et la musique. La première idée était de calligraphier tous les textes sur une femme et de photographier son corps pour le livret, la peau devenant concrètement le support de Carnations. Au final, dessiner une Vanité, façon gravure du 19ème, était la solution la plus pertinente et la plus simple.
On y retrouve des symboles qui sont exprimés dans les textes : la Mort, avec sa couronne et son linceul en étendard, est la reine de l'album (et de nos vies), le sablier qu'elle tient est là pour nous rappeler que le temps passe inexorablement.
Ces thèmes sont les lignes directrices de l'album, du premier morceau, qui questionne sur le sens de la vie : pourquoi nait-on si ce n'est pour souffrir toute l'existence en vain, au dernier, qui met en musique l'ultime poème de Ronsard à propos de sa propre mort toute proche.
C'est aussi le cas pour le morceau Vieux cuir usé, dédié à un ami décédé (mort en répétition, guitare à la main, dans mon ancien groupe de reprises heavy). Une expérience assez traumatisante qui a été un des déclencheurs de l'album et des réflexions qui ont porté Carnations.
Cet album est très étoffé en ce qui concerne vos influences. On remarque une véritable progression par rapport au Vintras en terme " d'identité musicale ". Dux tient-il sa " patte " ? Que pouvez-vous nous dire sur vos influences musicales mais aussi artistiques en général ?
Comme dit plus haut, on ne voulait pas faire un Vintrasbis.
Anksudams et moi jouons du black metal depuis plus de vingt ans et nous n'avons plus rien à prouver dans ce domaine. Alors nous avons eu envie de jouer d'autres choses sans trahir l'esprit Dux. Ce qui a poussé notre ancien guitariste, réfractaire au changement, à quitter le groupe.
J'aime le heavy des 80's, le hard rock des 70's et je suis fan des Floyd. Ca doit se ressentir. Et au niveau du texte, on doit bien se rendre compte que Brel et Ferré sont dans ma discothèque, même si je suis loin de les égaler. Les autres ont aussi laissé transparaitre leurs influences dans l'album (death, french BM...).
Cet album est aussi le fruit d'une réflexion sur le son. Nous voulions aller à l'encontre de ce qui se fait actuellement : batterie triggée, master surproduit, son uniformisé... Nous voulions rester proche de ce que nous jouons en répète ou en live : une batterie, une guitare, une basse. Ne pas doubler la guitare rythmique a eu comme conséquence d'utiliser la basse de façon plus prononcée, un peu à la Motörhead et donc de revoir son rôle « traditionnel ». Le challenge était de prouver qu'on peut avoir un gros son sans artifice, au naturel.
Le studio (Q Sound, à Nantua) a bien joué le jeu et a saisi ce qu'on voulait. En référence de son, on avait apporté de vieux Black Sabbath, du Motörhead et du Pink Floyd. Donc : batterie en prise micro classique (pas de trigg !), guitare vintage (Gibson des 70's), ampli à lampes, basse passive (Fender P), etc. Peu d'arrangement afin d'avoir le vrai son de nos instruments... La vieille école quoi ! Comme si Black Sabb' avait voulu faire du black metal en 1970. A l'écoute, la basse est d'un coté, la guitare de l'autre, comme sur Warpigs(Paranoid).
C'est une « recette » qu'on va tacher d'approfondir. Le résultat nous convient et ça nous donne un son différent des autres, un son « à nous ». Peut-on parler de « patte » Dux ? Oui, d'une certaine façon et ça évoluera avec le temps.
En dehors de la musique, j'aime bien faire des parallèles avec la peinture ou même la sculpture. Ces deux thèmes sont aussi évoqués dans les textes (Les canons de la transcendance, Carnations). L'Art sous toutes ses formes est une source d'inspiration, un domaine de création et d'expression. En termes d'influences, je citerai Käte Kollwitz, Egon Schiele, Edvard Munch, James Ensor ou encore Francis Bacon. Leurs travaux sont expressifs et chargés des émotions qui sous-tendent notre musique. Il y en a d'autres, mais la liste serait trop longue (allez au musée le dimanche, c'est plus simple). Evidemment, je dois citer Roger Waters, mon maître. The Wall est mon album de référence.
Quel est votre point de vue envers la scène metal et / ou black metal française ? Quels sont les groupes que vous conseilleriez à nos lecteurs ?
Je ne sors pas trop à vrai dire, mon point de vue sur la scène n'est donc pas très objectif. J'ai juste constaté qu'en black la tendance n'était plus à la brutalité primaire. C'est sans doute pour ça qu'on nous qualifie maintenant de black « old school ». C'est la mode du « sans gluten »...
Pour être franc, les derniers concerts de black où je suis allé, c'était pour boire des coups avec les copains, pas pour les groupes.
Anksudams ne sort pas du tout, lui. Et Négatif... je ne sais pas. Bref : Dux n'a aucun point de vue sur la scène black.
En dehors du black, le groupe de death d'Anksudams, Anksunamon, est très bon. Un nouvel album devrait sortir bientôt et ils tournent pas mal en ce moment. N'hésitez pas à allez les voir ! Deadlysins (thrash metal) déménage pas mal non plus. En plus c'est des potes.
Quels sont vos projets pour l'instant ? Travailler sur un nouvel album ou se concentrer sur le live ?
On joue à Chambéry le 30 avril avec Himinbjorg, peut-être une date avant sur Lyon et, en attendant, on compose. Un nouveau titre est en route.
Le mot de la fin :
On a une page fessebouc qui fait office de site, allez y faire un tour pour vous tenir au courant de notre actualité. Ce n'est pas très « black metal evil » mais bon... pour paraphraser le Grand Jacques : " Nous abandonnons aux chiens l'exploit de nous juger ".
En vous remerciant encore pour cette interview
Facebook de Dux :www.facebook.com/thetruedux
Site du label Asgard Hass :www.asgard-hass.ch