06/10/2007
Lyon's Hall
Le Lyon's Hall toujours par sa tranquillité, sa disposition à peu de frais et son amateurisme permet de voir se dérouler de plus en plus de soirées underground. Mais si habituellement ce sont surtout les concerts de black et death qui sont privilégiés en metal extrême, cette fois-ci voilà une soirée un peu à part plutôt axée doom. D'où l'intitulé de ce festival Thy kingdoom comes... Mais le doom ne sera pas la seule musique à l'honneur ce soir mais probablement la seule qui fera honneur à cette soirée. Et pour les deux piliers de doom présents ce soir-là, la soirée était incontournable car, avouons-le, il est bien rare de pouvoir assister à du doom extrême en concert.
C'est Kabbal Karma, impliqué dans l'organisation du festival, ouvre la soirée. Ce groupe donne tout son sens à son intitulé " dark ritual atmospheric " puisqu'il s'agit ici officiellement de musique occulte. A priori, ce n'était absolument pas pour me déplaire, voyant d'un très bon ?il une affiche alliant du doom et de l'ambiant pour une soirée cohérente d'ambiance sombre... Par contre a posteriori, j'ai été assez désappointé, étant amateur de musique dark ambiante. Je dois dire que ce qui a été proposé ici était bien loin de ressembler aux références du genre. Comme on pouvait s'y attendre il s'agissait là de " dark ambiant occulte fait par des metalleux " car malgré les maquillages et autres tenues de cérémonies, c'est bien une vieille figure de l'underground death metal local qu'il fallait reconnaître derrière... Déjà à l'époque le personnage nourrissait un attrait pour l'occulte qu'il concrétisait sous une autre forme musicale. Des années après, l'intérêt est toujours là. Le personnage semble avoir gravi des marches dans son parcours d'initié, désormais la musique semble peut-être plus s'inspirer d'une formation comme Melek-Tha sans cependant avoir la même inspiration... Le problème c'est qu'il y avait un côté plutôt comique qui émanait de tout cela au lieu du malsain qu'on serait en droit d'attendre. Certes il y a toute une mise en scène : aube violette, maquillage, instruments rituels (appareils en métaux, clochettes, frottements contre une taule), mais force est d'avouer qu'il y avait un coté comique. De prime abord, un coté visuel décousu semblait annoncer quelque chose qui clochait : des bougies bon marché sur des bouteilles de bière, un batteur cagoulé avec une veste jaune voyante comme les cyclistes ou les travailleurs de la route, un guitariste (produisant des sonorités ambiantes) agenouillé avec capuche semblant parfois rigoler un peu, un fan bourré fou de joie, des personnes dans le public avec une tendance à sourire discrètement (les fans de doom ne sont pas des bourrins) puis à sortir... Et un leader-maître de cérémonie qui en guise d'incantation nous faisait des voix death, des essoufflements, des gémissements mais avec trop de théâtralité et de maladresse, sensés évoquer les différentes étapes d'une initiation spirituelle, parfois évoquant une sorte de caricature de King Diamond. Il est à noter que ce projet de musique rituelle avec samples et programmations constitué d'un batteur, d'un guitariste et d'un vocaliste / performer, a déjà sorti 4 albums auto-produits, la plupart enregistrés lors de prestation live.
Après une pause bien méritée après ce parcours initiatique éprouvant, des sonorités telle une intro à la tension grandissante et une voix gémissante se font entendre de loin. S'agit-il d'un rappel surprise de Kabbal Karma ? Non. Heureusement que non. Après avoir tenté de monter dans les sphères célestes, ce sont bien les gémissements terrestres de nous autres pauvres mortels dans notre impossibilité de transcendance que Funeralium restitue. Montés sur scène, vêtus de t-shirt de groupes des 70's dont on ne ressentira heureusement pas les influences, les membres commencent un long morceau qui démarre très progressivement pour nous révéler de quoi il s'agit : du funeral doom. En voilà une bonne surprise ! Je ne connaissais pas Funeralium qui a récemment sorti un album éponyme sur l'excellent label doom Total Rust. Ceci a complètement échappé à mon attention. Et malgré l'étiquette du groupe et les t-shirt portant la motion " ultra sick doom ", je ne savais pas trop à quoi m'attendre, le groupe ayant un patronyme proche de formations aux styles bien éloigné. La présence de Funeralium ce soir n'est pas des plus surprenants, puisque ce groupe comporte deux membres d'Ataraxie : le guitariste chanteur alias Marquis qui troque sa guitare contre une basse et le guitariste Berserk qui officiait déjà tout deux dans Despond, autre formation française de funeral doom. Ce sont ainsi de longs morceaux agonisant un peu dans le style du premier CathedralForest of Equilibrium pour la lenteur et la lourdeur. Mais avec un côté plus extrême et une voix entre doom / death et black, du très bon doom avec très peu de passages extrêmes - comprendre rapide et violent -. L'ensemble est lent, lourd, pensant et dépouillé, comme se plaît à le souligner le groupe pas de synthé, pas d'atmosphère romantique, mais du doom puissant lourd et lent, pas accessible à tous.
Maieutiste assura l'intermédiaire entre les deux groupes doom de la soirée, étant donné qu'ils ont des membres en commun et qu'une pause bien évidemment s'impose, manière peut-être aussi d'équilibrer la soirée. Tout comme pour Kabbal Karma, la définition est attirante : du " socratic black metal ". Pas surprenant, vu le patronyme en référence à la maïeutique, le fameux art d'accoucher les esprits que possédait Socrate... Voici donc un groupe qui semble intéressant, mais qui semble seulement car je m'attendais donc à du black metal " intellectuel " un peu comme Solefald. C'est le genre de groupe à la démarche plus réfléchie, plus basé sur les ambiances ce qui expliquerait sa présence ce soir (en fait plus expliqué par son implication dans l'organisation de la soirée...). Je dois avouer que j'ai très vite été déçu et lassé par ce jeune groupe de black qui m'est apparu assez prétentieux de par son pseudonyme et son attitude sûrement en réaction au public local venu apparemment pour eux et pouvant enfin bourriner, car en fait il s'agit d'un black très banal, sans trop d'identité que je n'arriverai même pas à comparer spécialement à un groupe, censé être original par la présence de deux chanteurs simultanés (dont l'un s'est saisi d'une guitare pour assurer un solo du set pour la forme je pense...). Rien de bien original du tout, manquant cruellement d'ambiance, d'atmosphère froide ou sombre... Toutefois cela est peut-être dû au fait que Maieutiste avait pour l'occasion un son doom dû aux réglages de la soirée, la basse étant prépondérante. Quoiqu'il en soit je vous laisse vous faire votre propre opinion en vous rendant sur leur page Facebook.
Pour certains le clou de la soirée a été Maieutiste. Et le public manquant de curiosité, cela est bien connu, la salle sera moins pleine pour Ataraxie mais bien remplie quand même. Ataraxie, avec son premier album Slow descending agony, étrangement signé sur un label japonais, a acquis une certaine réputation dans la scène française, les formations de doom étant peu nombreuses et relativement peu médiatisées. Et surtout, Ataraxie pratique un doom / death classique (on peut y trouver du My Dying Bride de la toute première époque sans le côté romantique et atmosphérique) et très efficace, plus accessible que Funeralium et sa musique plus variée avec des passages notamment death, à mon avis dispensables, mais appréciables et stimulants pour le public. Le groupe porte fièrement les étendards du doom avec un t-shirt du dernier Candlemass et toujours ces étranges t-shirt de groupes 70's qui parfois égarent certains doomers. Ataraxie a donc pioché parmi les cinq titres de son premier album et a proposé de nouveaux morceaux de l'album à venir, qui m'ont semblé contenir plus de parties death. Par contre, ce concert était pour moi une première. J'avais certes déjà vu les maîtres du doom que sont My Dying Bride - dont on connaît la théâtralité - à l'époque de Angel and the dark river et Swallow the sun. Je n'avais pas eu en de si nombreuses années l'occasion de voir une formation de doom death underground et étais très curieux de voir l'ambiance qui en ressortirait... Comme je l'ai dit, le public était venu en partie pour leurs potes de Maieutiste. D'autres étaient là pour bourriner. La musique d'Ataraxie est suffisamment puissante pour que l'on puisse bouger la tête. Les accélérations death permettent à ce genre de public de se lâcher justement. Ataraxie semblait apprécier grandement de jouer live - comprendre aimer l'interaction- . Son leader était très communicatif et étonnement jovial, atteignant semble-t-il l'ataraxie en diluant ses émotions dans sa musique et dans l'alcool. Car il commençait à être pas mal bourré, il faut le reconnaître, déplorant d'ailleurs un public bien trop sage qui ne faisait pas couler la bière à flot. Il s'égarait même à nous parler de la coupe de monde de Rugby (qui sembla trouver des échos chez certains...) . Et il semblerait que cette prestation ait été la plus longue qu'ait donné Ataraxie et que son frontman ne soit pas si jovial à l'accoutumée. Mais à mon avis, cette musique n'est pas une musique de live - comprendre une musique où le public s'éclate -. Cette convivialité à y réfléchir est aussi peut-être ce qui donne sens à une prestation live de doom (vu que nous ne sommes plus à l'ère malheureusement de la communion tragique...). Bref, vous aurez compris qu'il s'agissait là d'une très bonne prestation et d'une soirée qui proposait deux groupes incontournables aux antipodes de ces groupes fades consommables en musique de fond qu'il nous est trop souvent proposer à droite et à gauche...
Merci à Rafnagurr d'Elhaz pour les photos.