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Cernunnos Fest 2007

Cernunnos fest

16/12/2007

La Loco, Paris

Tellement de choses à dire. Et une seule page web pour le dire : tel est mon défi !

Voici un festival qui s'impose sans doute comme un des évènements parisiens majeurs de l'année 2007. Après avoir versé sa déferlante sur l'Europe entière, le Pagan Fest s'est cette fois invité en France. Organisé par les Acteurs de l'Ombre, le festival consacré au pagan metal et aux musiques anciennes et folkloriques s'est revêtu d'un intitulé bien particulier, spécifique au contexte. Le Cernunnos_en gaulois "le Cornu", du nom d'un dieu païen du VIème siècle, s'est lancé le pari de faire se côtoyer musiques traditionnelles douces et métal brutal et survolté. Un dimanche et, de surcroît, pour une somme presque dérisoire, le public parisien et des alentours pouvait admirer ce spectacle mêlant folklore, éclectisme, et par-dessus tout, un bar "pour se rincer le gosier".

Challenge majeur pour l'organisateur : comment répartir équitablement les concerts et démonstrations ? Les deux étages de la Loco ont été réquisitionnés. Difficile quelquefois de jongler entre deux concerts...Mais, globalement, c'est très réussi. La répartition est homogène, sans sombrer dans le "patchwork".

Dance Floor version médiévale

Attention gentes damoiselles et damoiseaux ! Les horaires sont les horaires... La foule se presse encore à l'entrée, que le concert débute déjà. FOLGE DEM WIND, une formation parisienne de pagan black metal, ouvre le bal. Effusion de brutalité : le groupe s'offre une cure de jouvence bien à son goût. Le spa à la mode FOLGE DEM WIND ? Un bain d'une boue fraîche et dégoulinante. Nous ne manquerons pas de reconnaître les membres du groupe, pendant qu'ils déambulent dans la Locomotive, couverts d'argile sèche... Le spectacle fût vivant et efficace.

Puis vient NIFLHEIM. Durant plus d'une quarantaine de minutes, le jeune groupe nous présente son métal mélodique... Formé en 2003, le groupe a un seul album à son effectif (Lost in Brocéliande, 2006), et tente de se frayer un chemin sur la scène symphonique. Le contexte du festival joue évidemment en leur faveur (la thématique des titres est ciblée autour de la mythologie nordique et celtique). L'ambiance festive et décontractée leur apporte une audience. Malheureusement, on est un peu déçu. En dépit de l'emploi d'instruments, un violon et violoncelle, NIFLHEIM est un groupe qui a encore beaucoup à faire en matière d'originalité. Mais c'est une formation qui a de l'entrain, et qui conquiert les amateurs du genre.

Très attendus, ce sont ensuite les Belges d'AKTARUM qui viennent mettre le feu aux planches. Malgré leur jeune âge, les membres du groupe parviennent à s'imposer dans un domaine pour beaucoup investi par des groupes plus anciens. Et on y croit ! C'est fort, entraînant, et très professionnel. Bien sûr, l'ombre de Finntroll plane sur le groupe... Mais AKTARUM, c'est une promesse d'avenir, la garantie d'un succès assuré. Ils ont LA recette ! Thomas Dolvelde, le frontman, s'agite au chant et au clavier, sans jamais faire montre d'épuisement. Quelques supporters aguerris encouragent le groupe AKTARUM a prouvé qu'il était aussi un groupe de scène, et qu'il ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin.

Suit HEIDEVOLK ou, pour résumer, ce qui se fait de meilleur en matière de pagan folk... hollandais. Trois albums à leur effectif, dont le dernier, Woodan Heerst est sorti en 2007. Le groupe joue sur une imagerie épique et guerrière. Il y a dans HEIDEVOLK énormément de noblesse et de prestance. Même si l'ambiance est très agitée dans la petite salle, le groupe paraît sérieux et concentré. Durant une trentaine de minutes, HEIDEVOLK nous livre un son brut et très imagé, qui nous transporte. Hélas, les prestations live du groupe sont rares en France (deux en l'espace de six ans !). Le public ne demande qu'à en voir davantage...

Plus tard, ITAKK et sa musique folklorique viennent faire vibrer les planches de la petite Loco. Les instruments employés sont très recherchés, notamment les vents. ITAKK utilise bourbonnaise et veuze, deux « variantes » - le terme est sans doute ordurier - de cornemuse. Le résultat est très plaisant, gai et aérien.

Cernunnos Fest 2007 - Itakk

Pendant ce temps, à l'étage supérieur, c'est BELLA SORTE qui mène la danse. Et, ils en imposent... BELLA SORTE, c'est de l'authenticité, de la finesse et de l'élégance. La formation, fondée en 2004 par Laurent Navarre, se compose de cinq musiciens live, passionnés de musiques médiévales et de la Renaissance. Leur objectif ? Dépoussiérer des styles passés aux oubliettes, et trop souvent mal connus. Ces artistes ont pour habitude de se produire lors de fêtes médiévales, de bals ou de stages pédagogiques... La scène de la Locomotive a par conséquent de quoi les interloquer. BELLA SORTE - " Belle Destinée " en Latin - entrecroise les époques et les influences. Le groupe jongle avec des instruments relativement peu usités, tels que la vièle et le psaltérion à archet, le hautbois du Poitou, ou encore le bouzouki (la liste est longue, évidemment !). Le rendu est tellement singulier que certains spectateurs se lancent des paris : à quoi donc leur font penser les mélodies de BELLA SORTE ? Quand certains penchent pour de la musique berbère, d'autres s'accordent à ressentir des sonorités grecques ou celtes... Autant dire que BELLA SORTE sait brouiller les pistes... Disons plutôt allier intelligemment l'harmonie à l'éclectisme. Le résultat est vraiment très agréable. On saluera aussi le rayonnement dégagé par le groupe, ainsi que son côté prolifique.

Cernunnos Fest 2007 - Bella Sorte

Cernunnos Fest 2007 - Bella Sorte

La scène s'ouvre aux danseurs, qui, portés par la musique de la formation, exécutent des pas réglés au pouillème de millimètre. Durant les interludes, et histoire de se reposer les tympans, on flâne dans les couloirs de la Loco qui se transforment pour l'occasion en galeries. Les "stands" de boutiques deviennent des échoppes, les danses retrouvent leur âme de gigue, les taverniers servent la bière dans des cornes à boire, et les badauds jettent des regards curieux et alcoolisés. Nous voilà projetés huit à dix siècles en arrière. Stéréotypé? Un peu, pour être sincère. Mais le syndrome de la reconstitution historique se fait sentir. Beaucoup sont venus déguisés, et effraient leur mie en mettant à jour leur dédoublement de personnalité. Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de goûter à la cuisine médiévale concoctée pour l'occasion (il fallait se contenter de couverts en carton...il est triste le retour au XXIème siècle). C'est aussi ça le Cernunnos : de la nourriture sauvage !

Oyez, oyez, rendez-vous sur la place publique ! Le quartier Blanche est convié à plusieurs jeux. Le public est invité à participer à un...tiré de corde. L'ambiance va bon train. Le dieu Ethanol joue aussi des tours aux participants... « Non, Robert, arrête, t'es bourré ! » ... Tirer une corde à moitié saoul, c'est accéder au pouvoir ultime...vous sentez le pouvoir vous envahir? Hum, pardon, un moment d'égarement.

Hommes et femmes, chacun y va de sa poigne de fer. Nous regrettons seulement de n'avoir pu voir de vraie bagarre échevelée. Le Moyen-âge - au risque d'offusquer les médiévistes - c'est violent ! Allez, on y va de son coup de chicot plein de tartre, on n'hésite pas !

Plus tard, un petit détour par le concours de cris nous offrira une preuve irrémédiable de la témérité féminine... Car, monsieur, le gagnant fût une gagnante... Comme l'aurait dit le regretté Pierre Desproges, " étonnant, non ? ".

Revenons-en au sujet, qui réside bel et bien dans les prestations scéniques. MAGNIFICIENCE. Votre servitrice est enchantée. Elle découvre (et oui !) Luc Arbogast. Inouï. Quasiment inimitable. Luc Abrogast, c'est d'abord un univers. Originellement, il s'agit de celui des ménestrels, qui mêlaient art visuel, poésie et envoûtement mélodieux. Le decorum, tout autant que le chant, transportent dans un univers de rêverie. Luc Arbogast transforme des vibrations musicales en véritables touches de thérapie... allez, les bourrins, on se relaxe, on se laisse transporter par cette voix suave et haut perchée. Une voix qui ne peut qu'émouvoir, faire vibrer, et vous arracher les quelques lambeaux de brutalité humaine qui vous restaient collés au c?ur. Bien sûr, il faut savoir apprécier la chanson médiévale, et son fond de mysticisme et de divinisation. Le son de son bouzouki est merveilleusement sublimé par un chant jouant sur un camaïeu de couleurs vocales suraigües. Ceux qui n'ont jamais eu l'occasion d'entendre un tel timbre restent subjugués...Lorsqu'il chante, Luc Arbogast ferme les yeux, et paraît s'engouffrer dans une totale introspection...tellement fort qu'il hypnotise son public. L'artiste communique son ressenti à mille lieues de la rampe. En définitive, Luc Arbogast fait partie de ceux dont la voix ne s'oublie pas, et continue longtemps de vibrer dans nos esprits.

BRAN BARR apparaît ensuite, et vient briser l'ambiance austère disséminée par son prédécesseur. A l'effectif du groupe, deux albums, dont le premier, Les chroniques de Naerg, est sorti en 2000. Là, on verse dans le guerrier. Le celtic war metal du groupe déchaîne les foules. Les geeks façon Templiers s'y donnent à fond. Il y a de l'armure, du brutal, et de la sueur... Le public est définitivement « paganisé ». Sans possible retour en arrière.

STILLE VOLK... Eh, STILLE VOLK ! Satanés Pyrénéens ! Plus qu'une attaque gratuite contre les montagnards (ce serait kafkaïen), il s'agit évidemment d'une flatterie. Peut-être une des meilleures parties du festival, à mon goût. C'est agité, folklorique... STILLE VOLK fleure bon les temps anciens, celui des « shabbat », comme il le chante, en Français et en Occitan. Le cheveu fou de « Patriiiick » Laforgue s'agite au fur et à mesure qu'avance le concert... Les absents pourront se consoler en écoutant un des quatre albums disponibles chez les disquaires. STILLE VOLK a de la bouteille - dans tous les sens du terme, d'ailleurs - et reviendra vite, je l'espère, nous enivrer de ses compositions enflammées.

Cernunnos Fest 2007 - Stille Volk

SKYFORGER, très attendus, débarquent triomphalement pour défendre les couleurs du pagan « made in » Lettonie. Et, tout y est : la puissance vocale, la vitesse de propagation des ondes de choc... On ne ressort pas indemne d'une telle prestation. Les compères sont endurants, puisqu'ils nous offrent plus de 30 minutes de show sans interruption. Les barbares du Grand Nord peuvent être fiers de leurs défenseurs... SKYFORGER cultive en effet depuis longtemps un intérêt poussé pour la mythologie nordique, et son étroite relation avec l'aspect martial des conquêtes médiévales. Finalement, vous aurez été nombreux à être tombés amoureux de ces cinq hirsutes... c'est bien légitime.

Cernunnos Fest 2007 - Skyforger

Cernunnos Fest 2007 - Skyforger

ELUVEITIE se fait attendre... Le rideau se lève et on acclame enfin la Suisse. Le groupe a un effet statique sur le public. ELUVEITIE est un groupe qui monte, et pas seulement en terme de réputation... La température grimpe vite quand les membres montrent le bout de leur nez. Pourtant ils ne sont pas du genre à « mettre le paquet ». Le style d'ELUVEITIE est très sobre, épuré. Néanmoins, les musiciens ont un dynamisme naturel, sans jamais tenter de surjouer. Bref, c'est festif, coloré, et entraînant. Mais, il y a ce « plus », cette marque de fabrique qui fait d'ELUVEITIE un groupe étonnant, qui le démarque de la scène metal folk. La formation suisse a en effet cela de particulier que ses parties symphoniques sont travaillées... sans artifice. Et oui, ELUVEITIE, c'est la minutie et la rigueur. Là où d'autres groupes cèdent à la facilité en usant de claviers pour synthétiser des sons folk, ELUVEITIE préfère produire des sonorités originales, via des instruments tels que la vielle à roue, le violon irlandais ou les low whistles. Le cocktail est efficace, et sans se la jouer « collectif » (huit membres dans l'équipe !), le groupe rassemble et conquiert le public à l'unanimité.

Cernunnos Fest 2007 - Eluveitie

Cernunnos Fest 2007 - Eluveitie

Cernunnos Fest 2007 - Eluveitie

Cernunnos Fest 2007 - Eluveitie

Pour finir, mes collègues et moi félicitons les Acteurs de l'Ombre pour cet évènement particulièrement bien géré. Si beaucoup auraient fléchi sous le poids du fardeau, l'organisation a gardé la tête froide. Elle en remet d'ailleurs une couche, puisque le deuxième volet du Pagan Fest est en préparation.

Myrha