04/10/2008
L'Usine, Genève
Si pour tous les c(h)réti(e)ns, Noël a bien lieu le 25 décembre... nul doute que pour tous les fans de Hard, cette date du 4 octobre faisait figure de référent ! Cette date était tellement attendue... Et pour cause : quelle affiche !! La première édition avait déjà été un grand moment: je citerai, larme à l'oeil, le ton nostalgique, mon premier concert de Celeste, d'Overmars ou encore d'Impure Wilhelmina ! Que de bons souvenirs et tant de chemin parcouru depuis... Une affiche quasi-parfaite pour cette deuxième édition : l'occasion parfaite de découvrir les General Lee et leurs nouveaux morceaux issus de Hannibal Ad Portas ; l'occasion de revoir, une fois de plus mais c'est tellement bon, les Rorcaux: histoire de calmer tout prémisse d'optimiste naissant ; l'occasion également de revoir les Time To Burn : Is.Land et Starting Point tournent depuis des mois dans le balladeur, et malgré leur prestation en terre suisse de ce soir, ce n'est pas prêt de s'arrêter ! Et puis, évidemment, l'apothéose : AMENERA !, ou comment rentrer dans un état de transe sans prendre aucune substance chimique... Une affiche parfaite que je vous disais ! Et encore, même si j'emmerde (très) profondément ce « toujours plus » on ne peut plus contemporain, l'association Last Day of Winter avait envisagé quelque chose de plus exceptionnel encore: on parlait il y a encore quelques mois dans les milieux très fermés de hard helvète d'un Cult of Luna ou d'un Callisto en guise de tête d'affiche ! Mais bien réfléchis, ç'aurait fait trop... J'en connais peu qui aurait pu se remettre d'une telle soirée ! Ce n'est pas donné à n'importe qui de dépasser des/les/ses limites...
General Lee se voit responsable de l'ouverture des festivités. Alors même si, je dois bien l'avouer, l'idée de faire une interview avec eux JUSTE pour savoir d'où venait leur nom m'a déjà traversé l'esprit, je dois admettre qu'on tient là une future locomotive de la scène « post-machin-bidule-jt'emmerde-bien-profond » française : pour les avoir découvert il y a à peine quelques mois quand ils s'étaient proposés de figurer sur la compil' Falling Down, j'étais loin de m'imaginer de la claque que j'allais me prendre à l'écoute de Hannibal Ad Portas . Le premier morceau écouté avait été Drifting : bien joué, bien fait, bien enregistré... mais un tantinet bien prévisible. La suite s'est révélée des plus intéressantes : je n'irai pas jusqu'à faire un revirement total mais je dois avouer qu'il y a, à l'écoute entière du skeud, quelque chose qui en ressort, quelque chose de singulier. J'en suis d'ailleurs arrivé à une conclusion, après des heures et des heures de réflexion : Hannibal Ad Portas est la pièce manquante, la pièce charnière entre le The Beyond et le Salvation de mes vendeurs de meuble Ikea préférés : Cult of Luna. L'ombre des suédois planent sur le combo français... Mais nul doute, quand on voit la qualité et le professionnalisme avec lequel a été fait cette première galette que la suite sera encore plus personnelle et poussée artistiquement ! Pour en revenir à cette soirée, et pour résumer: le groupe a fournit la prestation que j'attendais de leur part. Pas déçu, pas surpris, c'est comme je l'espérais. Les morceaux sont retranscrits fidèlement, les musiciens ressentent leur musique: tout pour me plaire ! Inutile (apparemment si...) de préciser que la set-list a mis à l'honneur Hannibal Ad Portas : outre les excellents Drifting et Our Last Struggle Winter, mon coup de coeur de la soirée a été le monstrueux Tyrant qui, avec ses passages hypnotiques, m'a juste scotché ! Avec une expérience certaine et prononcée de la scène, les Généraux ont débuté comme il se devait cette édition du Fjord 2008 : parfaitement ! À (re)voir, évidemment...
C'est au tour de Rorcal de prendre le relais de la soirée. On va partir du point de vue que vous êtes un habitué de la Horde Noire : je vous passe donc les préliminaires pour ces affreux, vous savez à qu(o)i vous avez à faire ! On n'est pas là pour propager une quelconque « Love Generation ». Pas de tee-shirt rose moulant non plus dans l'assistanat ce soir: la police du hard circule dans la fosse, tout excès de couleur sera vivement réprimandé ! Je vous parle de noirceur là, de lenteur psychotique ! Tout s'écroule par des morceaux comme Aurore, Ataraxia ou encore, en guise d'apothéose en fin de set par Descend from wherever we shall Ascend. Pas de pause entre les compos, pas de « On a des tee-shirts et des CDs à vendre à notre stand juste là pour la modique somme de... », pas de présentation inutile, mais un tout: noir, compact, lent et obstinant. Long cris gutturaux, du larsen qui dégouline par les enceintes, des riffs qui feraient passer du Xasthur pour de la musique d'ascenseur : voila leur vision du hard. Et quoi qu'on en dise, même en leur collant l'étiquette doomcore, Rorcal se bonifie sérieusement avec le temps, créant, petit à petit, mais sûrement, une identité musicale de plus en plus personnelle. Si la fosse de l'Usine ce soir-là a pu se demander qui a pu les influencer... je ne serais pas étonné que dans quelques années, on se demande combien de groupes ils ont pu influencer ! Un regret tout de même, histoire de bien prouver mon indépendance journalistique en ces temps de crises et de complots : Ether. Ç'aurait été juste un grand moment de hard de voir résonner cet hymne ! À placer dans les prochaines set-lists, quand la présence de Mickael (comme ce soir) le permet, obligatoirement ! TE QUIERO DOOM !!
Au risque de me faire « houhouter » par l'ensemble de la Suisse, de Genève à St-Imier, de Fribourg jusqu'au Locle : oui, je l'avoue, Nebra ne m'a pas conquis ! Ça a beau être un « all star band » helvète, cette prestation m'a guère enthousiasmé. Pas que ce soit mauvais, il y a par exemple un énorme travail au niveau des riffs, et c'est bien là qu'on se rend compte que ce n'est pas n'importe qui derrière le manche, j'ai trouvé néanmoins qu'il manquait quelque chose, un truc tout con: du chant ! Si certaines formations instrumentales se passent aisément d'un chanteur, et même d'une chanteuse, j'ai trouvé très dommageable que Nebra ne puisse compter sur la présence d'un hurleur, étant donné, qui plus est, que leur musique si prête amplement ! Certains pourront peut-être, et même sûrement, y trouver leur bonheur. Pour les autres, la bière suisse était à 3 francs...
J'avais tout misé sur la prestation des Time To Burn, tout mon portefeuille... Et j'ai tout perdu, en moins de trois quart d'heure (toute ressemblance avec un élément d'actualité serait purement fortuite...). À tous ceux qui ne connaissait pas encore les parisiens, j'avais annoncé la venue d'un colosse (qui se révélera être aux pieds d'argile). Et puis... un drame, un putain de drame s'est produit, me laissant, béat, un vieux proverbe de vente de peau et d'ours comme unique enseignement de cette soirée. La facture a été lourde... Tout, pourtant tout, laissait présager quelque chose de grand : une distribution d'aller-retour dans les règles, sans concession ! Au final, je l'avoue, la tête baissée, peu fière, presque gêné : un fiasco, voilà ce que beaucoup risque de retenir de cette prestation. La motivation n'était pas là, le son non plus... Les bourdes et erreurs à l'inverse... La voix monstrueuse d'Eddy (en studio je suis bien obligé de le préciser à présent...) n'a pas été au rendez-vous, comme sur l'enchaînement Sang et Gream qui se devait être l'aboutissement final. Le bassiste s'est même lancé dans les « backing vocals », comme pour soutenir son chanteur... Et comme une merde n'arrive jamais seul, Greg ira même jusqu'à péter une corde de basse (?!) coupant net le set durant plusieurs minutes. Les musiciens n'ont été évidemment pas dupes : voyant leurs lacunes, Eddy et consort se sont lancés dans une attitude « punk rock'n roll », comme pour combler ce qui pouvait l'être. J'ai espéré qu'un morceau comme Nayeli, joué à la toute fin, pourrait me permettre de relever la tête... à tord. Voilà, c'est dit: un de mes groupes préférés, toute période et tout style confondu, a sévèrement merdé cette date du Fjord Festival. Et après, qu'est-ce qui se passe ? On les jette, comme un vulgaire kleenex ? Non, évidemment que non ! On se renseigne, on essaye de comprendre : Time To Burn n'est pas n'importe quel groupe, il y a forcément une explication là-dessous ! Plusieurs en fait... Pour commencer, j'ai appris que niveau répét', c'était pas l'orgie en ce moment. Le groupe s'était engagé depuis longue date pour ce festival (Julien aime en effet booker longtemps à l'avance ses éditions), et puis, ils ont tout de même décidé de venir, de ne pas annuler, par respect... J'ai cru comprendre également que, et ça confirme un peu ce que je viens de dire par rapport aux répéts, la motivation semblerait s'estomper... disons un peu. 6 ans que le groupe existe, sauf erreur de ma part, et en 6 ans, beaucoup de choses changent. Une grosse partie du groupe par exemple n'écoute quasiment plus ce style de musique... Certains décident donc de s'investir plus amplement dans d'autres projets, comme Radius System par exemple. Est-ce à dire que c'est la fin de Time To Burn ? J'aimerai vous dire que non... et je vous le dis. Je refuse de croire qu'un groupe aussi talentueux qu'eux s'arrête en si bon chemin, pas après un album comme Is.land ! Je conclurai donc comme ceci: pas de diatribe enflammée, ce Fjord Festival n'a été qu'un accident de parcours... et nul doute qu'ils retrouveront la motivation et l'envie pour continuer : on en a besoin les gars !
Avant dernier groupe de cette seconde édition, c'est au tour d'Equus de s'installer. Comme Nebra, enfin pas sur le fait que je ne sois pas conquis, Equus compte parmi ses rangs des musiciens qui sont loin d'appartenir à la catégorie « novice du hard ». Leur set m'a touché, comme à l'ensemble de la salle je pense, même si j'avoue n'avoir jeter qu'une oreille et un oeil sur leur prestation à certains moments. Les longs morceaux d'Eutheria ont plongé l'ensemble du public comme en méditation : admiratif et contemplatif, c'est un voyage dans d'autres (atmo)sphères qui a débuté. Ayant vu quelques jours avant la prestation de Shora, dans cette même salle d'ailleurs, ou dans une autre mesure là encore, Shelving l'année dernière : un fil conducteur relie toutes ces formations, quelque chose de véritablement transcendant à toutes personnes capables d'apprécier à sa juste valeur ce type de musique. Dépaysant et beau, le contraste avec la musique asphyxiante d'Amenra ne sera qu'un peu plus exacerbé !
Et voici que le moment tant attendu de cette seconde édition arrive : Amenra. Dire que j'attendais ce moment avec impatience serait un doux euphémisme ! Souhaitant revivre les moments orgasmiques de leurs précédentes prestations, j'ai eu tout de même quelques frayeurs. Ayant un autre concert la veille en Belgique, ils m'ont confié être un peu fatigué : 10 heures de route en van pour venir jouer ce soir ! Et puis il y a eu également ces longues minutes, juste avant que le concert ne commence : l'ampli de Vince faisait un bruit des plus déplaisant, grésillements qui seront dû en fait à un jack abîmé. Le problème résolu, et moi soulagé, la prestation a pu débuté, même si la fosse s'est considérablement vidée, l'heure tardive en étant la principale raison. Une question s'est rapidement (im)posée: non pas allait-il être à la hauteur, c'était une évidence, mais allaient-ils faire mieux que les dernières fois ? Difficile d'y répondre... Certains points faisant pencher la balance d'un côté ou de l'autre. L'unique point regrettable de ce concert a été finalement... la taille de la scène. Si la prestation a fait explosé le « baromètre d'intensité » ce soir, la communion entre le groupe et le public s'accroît encore un peu plus dans les plus petites scènes. Outre ce point souligné, qui n'est dépendant ni de l'orga ni du groupe, rien à dire : un grand moment, comme rarement il m'est donné d'en vivre. Avec une set-list qui pourrait relancer et booster le marché mondiale de la minerve, pour preuve, et pour ne citer que les principaux : The pain it is shapeless et Am kreuz pour le Mass III, Silver needle golden nail et, évidemment, Razoreater pour le Mass IIII , Amenra, comme à son habitude, n'a fait aucune concession ! Jouant, là encore comme à son habitude, quasiment dans le noir (pas besoin d'être nyctalope non plus!), une atmosphère dérangeante s'est dégagée tout le long du concert. Même si c'était étonnamment la première fois qu' Amenra venait jouer en terre suisse, le public ne s'y est pas trompé : ne formant qu'une seule et même personne, cette prestation a conquis. C'est d'ailleurs une des qualités des belges les plus manifestes : vous pouvez les faire jouer n'importe où, même devant un public ne les connaissant pas, les réactions après leur show seront toujours les mêmes: unanimes. Colin, qui ira jusqu'à arracher son tee-shirt pendant le set, tournera comme à son habitude le dos au public pendant la quasi-totalité du concert : pris dans sa bulle, vivant sa musique comme peu de personnes sont capables de la vivre et de la ressentir, sa présence sur scène marquera profondément les esprits. J'avais d'ailleurs lu dans une de ses interviews, pour la petite anecdote, qu'à un concert il y a quelques temps, il avait pris une fille par la gorge (qui ne faisait que de rigoler et de parler avec son entourage pendant leur prestation), avant de lui hurler ses parties de chant à la gueule, sans son micro. Tout ça pour dire, et ça s'applique à l'ensemble du groupe : Amenra ne plaisante pas sur scène et Amenra ne plaisante pas avec sa musique. Son chanteur à une autre reprise n'a pas hésité un seul instant a craché sur une personne de la fosse qui troublait le silence du public. Proche, parfois, d'une certaine forme de schizophrénie, les membres sont par ailleurs des mecs ultra sympas et accessibles. Les visuels de ce soir ont également pleinement joué leur rôle: la plupart d'entre eux étant tiré d'un film d'expérimentation Begotten (je vous mets au défi de le regarder entièrement après avoir ingurgiter quelques psychotropes!), projections qui, via le fait qu'ils foutent considérablement mal à l'aise, collent parfaitement avec leur musique ! Assister à un concert de cette formation est et restera toujours un moment particulier, un moment à la sensibilité exacerbée ou tout le reste n'a plus aucune importance ! Un moment que j'aimerai tant en vivre plus souvent. Tout artiste, et ce de n'importe quelle scène et de n'importe quel domaine, se devrait de prendre exemple sur eux pour la sincérité qui en ressort !
Difficile, impossible en fait de conclure autrement ce live report que par des remerciements pour tous les gens qui se sont bougés le cul pour cette deuxième édition, et tout particulièrement Julien. Je ne peux que vous remercier. L'influence n'a certes pas été aussi importante que l'année dernière (200 au lieu de 380 personnes), mais qu'importe, cette seconde édition n'a pas déçu: une grande soirée genevoise ! En espérant, sincèrement, que Last Day of Winter ne migre pas en Belgique dans les semaines à venir et qu'on se donne rendez-vous l'année prochaine pour la troisième édition !