20/12/2008
Paris, La Locomotive
De retour à Paris pour la troisième fois, le CERNUNNOS FEST a posé ses valises à la Locomotive. Sur les 1000 visiteurs attendus, 700 étaient de la partie. Pas de quoi contenter les caisses, mais assez pour faire vibrer les planches. Comme l'an passé, les trois étages de la salle ont été réquisitionnés.
C'est sûr, les amateurs de World of Warcraft ne sont pas dépaysés. Tapis en chaque coin de la Locomotive, des participants se sont joyeusement prêtés au jeu du déguisement le plus... spécial. Qui d'une boule magique, d'une paire d'oreilles d'elfes, ou d'une robe à queue de dragon. "Bon, rien de bien extraordinaire...". En effet. Car de mon point de vue, la palme de l'accoutrement le plus remarquable revient à deux jouvenceaux perchés sur d'animalières échasses (des sortes de sabots de Centaure, ou quelque chose du genre). Osé et casse-gueule. Merci de faire parvenir des photos, c'est pour l'émission Perdu de recherche.
Le temps de faire entrer tout ce monde en masse, NIGHT CREEPERS et NYDVIND font patienter le public. Rôle difficile, et qui plus est ingrat, car peu auront l'occasion de les écouter (et j'en fais partie). Les échos sont néanmoins très bons !
Arrive FOLKSTONE , un groupe lombard qu'on sent très influencé par des formations comme Corvus Corax ou encore In Extremo. A l'instar de ces groupes, Folkstone accorde une place de choix à la cornemuse et à la bombarde. Les Italiens misent sur l'alternance de passages brutaux, rythmés par une batterie endiablée, et de titres beaucoup moins metal. Fantastique.
Vient l'heure de BLACK MESSIAH. Un groupe très attendu, et dont le talent n'est vraiment plus à prouver. Très en forme, les Allemands paraissent plus que jamais taillés pour la scène. Ils enchaînent, sans peine, une dizaine de morceaux, avec un constant professionnalisme. Alors que le temps imparti à BLACK MESSIAH touche à sa fin, je me faufile tant bien que mal entre les spectateurs sans nom, et descends me reposer les tympans dans la salle réservée aux ambiances plus sereines.
J'arrive en plein set de RED SHAMROCK, un groupe de Suisses complètement agités, dont la bonne humeur est, je l'avoue, fort communicative. Lorsqu'il ne chante pas, le front-man / flûtiste joue de son instrument en tapant du pied de façon mécanique. Il devient alors un homme-métronome totalement déluré, dont les cheveux grossièrement taillés donnent un aspect encore plus sauvage. La musique, admirablement mise en scène, nous emmène sur les hauts sommets alpins. Beaucoup de flûte, de bouzouki, et la guitare qui vient guider le tout. Délicieux. J'apprends par la suite que le groupe a quatre albums à son palmarès. De quoi aller jeter un coup d'oeil après le concert.
Guidée par les effluves des précieux alcools servis au bar (la canette de bière à 5 euros, à ce niveau là ça devient précieux, oui...), je remonte vers la grande Loco. Et qui vois-je ? Les très attendus WAYLANDER. Les Bre... les Bre Bre... les Bretons! Peints d'argile bleutée, les flûtines à la ceinture, les Irlandais savourent leur premier passage en France. Et ils ne sont pas les seuls. Les rythmes brutaux et tambourinants de leur musique accrochent, entraînent, à tel point qu'on reste sur notre faim quand la sono s'éteint. Un spectacle digne de ce nom, qui met délicieusement l'eau à la bouche.
Même (et surtout !) durant les interludes, la mise en scène type "retour aux âges obscurs" est de rigueur, orchestrée par LES CAMPAGNONS DE LA MEMOIRE D'ANTAN (avec un maître de jeu fagoté façon Philippe Risoli. Désolée.). Concours de cris barbares, de porté d'épée lourde (aussi appelé "adieu mon bras gauche"), de joute à l'arme en latex... Il y en a pour tous les degrés d'alcoolisation.
Je regrette néanmoins l'absence de concours des cheveux les plus longs, du plus bedonnant, du plus édenté, ou encore de la corne à boire la mieux taillée. On savait s'amuser avant, n'est-ce pas ? Les Barbares professionnels sont là pour rattraper leurs pâles imitateurs. Joute mise en scène façon catch, sur scène et dans la fosse... Et, beaucoup plus en finesse, une troupe de danse médiévale, envoûtante... Qui aura par ailleurs l'honneur de danser sur scène pendant le concert de MELECHESH.
A la façon d'une spéléologue, je m'en vais de nouveau scruter la salle de l'étage du bas. Et je suis gâtée. Je découvre les chants entraînants de TEMPRADURA. Un groupe de musiciens utile (le terme n'est pas ordurier), qui s'est donné une mission: sauver d'anciens chants folkloriques, en leur donnant une nouvelle vie. On citera, entre autres, le très entraînant Szabad a Madarnak, en provenance des fins fonds de l'Europe de l'Est. Rechercher et restaurer de la sorte des textes oubliés est important pour la perpétuation de nombre de cultures étouffées et peu valorisées. La pratique est très usitée dans les cultures à tradition orale, à l'instar, par exemple, des Basques ou des Berbères (la liste est évidemment très longue!). Je ne peux que vous inviter à écouter la musique de TEMPRADURA... sur CD !
Les planches sont chaudes comme la braise, assez brûlantes pour MELECHESH, le groupe le plus attendu de ce rendez-vous pagan. Pour les novices, MELECHESH (se prononce " Melekesh "), c'est un groupe de black metal israélien, arrivé aux Pays-Bas en 1988. Avec le temps, MELECHESH a évolué vers une musique plus mélodique, intégrant des riffs plus ou moins orientalisés. Un mélange réussi d'extrême thrash, de black, de death, de musique mystique et de sonorités méditerranéennes. Les paroles traitent des anciennes contrées des Sumériens et des Mésopotamiens, berceaux de culture. Intemporel, MELECHESH se place de façon singulière dans le paysage metal, rang que le groupe défend efficacement.
Peut-être même plus impatient que la fosse, Ashmedi, frontman du groupe, guette la salle dans l'entrebâillement du rideau de scène. Quand les deux pièces de velours bordeaux se séparent, et que le groupe apparaît, de larges sourires illuminent les visages... Bon, passée cette description digne des meilleures brochures gouvernementales russes, parlons technique. MELECHESH, c'est d'abord une maîtrise du son exemplaire sur CD. Une très bonne qualité, en principe difficile de transposer en live. Or, sur scène, MELECHESH propose un set très propre et rigoureux. Pas une fausse note. Et un charisme exceptionnel.
L'ex-batteur d'Absu n'est pas au rendez-vous, et il s'agit bien de mon unique regret. Mais durant ces 35 minutes, pas une seule fois je me suis ennuyée.
Titre très attendu, The rebirth of the Nemesis intervient en fin de set. Et histoire de finir en beauté et en générosité (ah, morale, quand tu nous tiens...), Ashmedi présente une surprise au public.
Après s'être éclipsé, dans les règles de l'art (goodbye, rallumage de lumières et tout le tintouin), les musiciens reviennent sur scène. La (vraie) dernière chanson, le titre bonus, le biscuit de la soirée... Et MELECHESH tire sa révérence. Quelle bande de comédiens.
Allez, patience. Et à l'année prochaine.