23/03/2008
Les Citrons Masqués, Yverdon-les-Bains (Suisse romande)
Comme chaque année maintenant, le week-end pascal est l'occasion d'assister aux traditionnels concerts industriels organisés par l'association Sonorités Obscures , association dynamique couvrant les événements majeurs de la scène industrielle. Avec ce soir une programmation assez large dont les différents protagonistes représentent significativement la scène dark indus, en passant par le dark folk et l'ambiant.
Les Jumeaux Discordants avaient pour privilège d'entamer la série de concerts. Bien qu'arborant un nom francophone, ce projet est italien. C'est un projet récent (2005), né de la fusion de deux autres existants à savoir Aimaproject et The Last Hour. Symbiose entre l'expressif - Aimaproject travaille également sur la poésie et possède son propre studio de photographie - et la musique sombre et menaçante de Roberto Del Vecchio (The Last Hour et Gothica). Les Jumeaux Discordants distillent une musique froide et dérangeante, avec une impression de fragilité en toile de fond, sous la menace d'une atmosphère pesante et rituelle. Ils commencèrent avec le profond Malédiction, histoire de bien nous plonger dans l'ambiance. Suivi ensuite l'angoissant Le Destin. Les transalpins, avec leur musique rituelle constituée de boucles simples mais très efficaces, sont d'ailleurs souvent cités comme une sorte de relève au groupe culte The Moon Lay Hidden Beneath a Cloud. Bien que facile, la comparaison avec ce dernier n'en est pas moins logique : on retrouve le coté mystique et récitatif, magnifié par la voix froide et troublante d'Aimaproject. La suite fut composée de Être, puis The White Nursery, tiré du split Icydawn / Aimaproject Il Tagliacarte - L'Angelo - I Fantasmi , split réalisé avec le projet tessinois Icydawn. L'excellent Almus Spiritus clôtura le set du premier live en mettant la barre assez haut pour la suite et cela pour notre plus grand plaisir.
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Down In June est sans contestation possible le groupe de folk apocalyptique culte par excellence. Il a d'ailleurs été mainte fois repris par de nombreuses formations issues de la scène dark / neo folk, mais également par d'autres groupes plus ou moins proches musicalement. Citons à titre d'exemple In My Nursery, groupe de gothic new-wave, et Leviathan, groupe américain de black metal dépressif. Dans un registre nettement plus décalé, citons également les reprises de notre Jean-Luc Aszcek national, dont l'humour complètement déjanté rafraîchira vos longues nuits d'été au coin du feu. Down In June quant à lui réinterprète complètement les mélodies tout en s'appuyant sur les textes d'originaux. Musicalement, les membres n'en sont pas à leur premier coup d'essai puisqu'ils font partie du groupe Baby Blonde and the Downs qui officie dans un registre nettement plus pop.
Je dois dire que j'attendais beaucoup d'eux après avoir découvert leurs reprises, et je ne fus pas déçu. Après une introduction reprenant la version originale du Heilige Tod, ils débutèrent leur show avec Little Black Angel, qui fut malheureusement entachée de petits problèmes techniques. Mais au final rien de grave ni de déstabilisant, on s'arrête et on recommence ! La version blues / jazzy de l'hymne controversé Rose Clouds of Holocaust succéda sans anicroches cette fois-ci, autant fascinante que mélancolique. La suite fut tout aussi excellente avec Hollows of Devotion, Kamaradschaft et The Enemy Within. Les morceaux les plus anciens furent également de la partie avec le percutant Heaven Street. Comme quoi les hymnes de Sir Douglas Pearce sont facilement adaptables, preuve de la grande richesse de ses compositions. Down In June termina son set avec deux autres hits, Fields of Rape et But, What Ends when the Symbols Shatter ?, laissant un public conquis par l'émotion et la virilité des reprises. Sachant que les fans de Down In June étaient fortement représentés ce soir, la tâche n'en fut pas moins aisée mais l'excellente prestation des suédois convainquit le public qui en redemanda.
La suite de la soirée fut assurée par Job Karma. C'est un projet audiovisuel polonais démarré il y a dix années déjà, officiant dans un registre indus ambiant / trance. Par projet audiovisuel, il faut comprendre que la partie sonore est " indissociable " de la partie visuelle. Cela renforce ainsi le concept dont les deux protagonistes Maciek Frett et Aureliusz Pisarzewski explorent l'esthétique post-industrielle avec leurs sonorités électroniques et ambiantes, suggérant une réflexion personnelle sur les relations entre l'Homme et la machine. Cette réflexion individualiste est appuyée par l'emploi d'instruments électroniques digitaux et analogiques notamment. Après le premier album indus Cycles per Second (2000) très minimaliste, ils poursuivirent leurs travaux d'aliénation avec Newson (2001) et Ebola (2003). Strike (2005) et Tschernobyl (2007) suivirent la même ligne directrice tout en se démarquant des précédentes productions par des titres plus musicaux et nettement plus accrocheurs.
Ce soir, l'interprétation tourna principalement autour des deux derniers albums Strike et Tschernobyl . Ils commencèrent avec le très dynamique Hydroxizinum City, enchaîné avec Empires Collapse et 26th of April 1986, en référence à la date qui stigmatisa l'Europe tout entière. La projection de très grande qualité - une des meilleures qu'il m'ait été permis de voir - aliéna nos pensées, à l'image de l'effondrement des valeurs, prix à payer pour la commercialisation quotidienne de notre vie individualiste et sociale. L'apothéose post apocalyptique fut atteinte avec March avant de revenir vers sur des morceaux plus angoissants (Man in my Room et Talk with Son). Puis la prestation fut achevée sur Ecce Homo, titre hypnotique à l'image des spectateurs envoûtés par la prestation des polonais.
Vint le moment de la tête d'affiche honorant Coph Nia. Le nom de cette formation indus dark ambiante menée par Aldenon Sartorial est issue - tout comme une bonne partie des textes - de l'univers ésotérique et occulte de Aleister Crawley. Après des débuts très ambiants à la Raison d'Être avec That Which Remains (2000), ses travaux furent plus agressifs et rituels, à l'image du mini Holy War (2001). Dès lors, le style de Coph Nia sera canalisé par cette fusion de musiques sombres et martiales, sur lesquelles la voix profonde d'Aldenon vient se greffer à la perfection dont les deux très bons albums Shape Shifter (2003) et The Dark Illuminati , A Celestial Tragedy in Two Acts (2007) en découleront.
Le set commença avec Prime Mover, reprise du groupe suédois The Leather Nun. C'est un titre idéal pour lancer le train infernal de Mr Satorial, qui pour l'occasion accompagna son acolyte à la basse. L'occasion se présenta de reprendre son souffle avec l'apaisant The New Oath avant qu'Aldenon nous agresse avec son Stigmata Martyr, excellente reprise du groupe culte de batcave Bauhaus, qui fût succédé par le magnifique military / ambiantDrinking To The Angel Of The East. Ce genre de cycle ascension/chute est un très bon choix de set. Cela permet de ne pas s'ennuyer sur les titres plus ambiants et donne à l'ensemble une bonne dynamique à l'image d'une mixture à la fois froide et complexe, avec des titres puissants et martiaux mélangés à d'autres emprunts d'une culture plus pop. Mais attention, une pop à la Laibach tout de même ! Le concert continua après un excellent morceau de percussions avec Sympathy For The Devil, reprise des Stones rebattue maintes et maintes fois par de nombreuses formations. La fin du set fut plus mystique avec l'oppressant To Fix the Shadow suivi du tonitruant Holy war (Pt.1 - Enter), qui déchira tout sur son passage. Après quelques minutes, les deux compères revinrent pour un rappel qui en l'occurrence fut (encore) une reprise, mais cette fois d'Alice Cooper, clôturant un live autant percutant que fascinant, principalement axé sur les deux dernières productions Shape Shifter et The Dark Illuminati .
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Encore une excellente soirée qu'il aurait été dommage de manquer, tant elle fût réussie. Seul le public n'a pas répondu en très en grand nombre à cette bien belle programmation, faute à une affiche trop 'élitiste' pour le commun des mortels - on ne s'en plaindra pas, car l'opportunité de voir de telles formations ne se présente pas souvent - ou à un week-end pascal trop chargé ? Toujours est-il que se fût une nouvelle fois une soirée mémorable.