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Pagan Fest

korpiklaani-die-apokalyptischen-reiter- 2 sept

21/09/2009

Paris, La Locomotive

Avant toute chose, je tiens à signaler mon plus extrême désappointement à l'égard de l'industrie du metal. Oui, l'industrie qui produit les "grands" (et moyens) groupes, les "grands" concerts et à laquelle on est obligé de verser son obole si on veut voir un de ses groupes fétiches en live. En tant que reporter pour La Horde Noire, je devais interviewer DIE APOKALYPTISCHEN REITER. C'était intimidant... et prometteur ! Mais les messages de Garmonbozia, la boîte de prod' du concert, étaient d'un flou artistique. D'abord, ils devaient me donner une heure pour l'interview ; puis je devais venir au stand merch (là où on vend des t-shirts ?), sans horaire... Plus les messages passaient et plus Garmonbozia devenait vague. Finalement, l'interview ne s'est pas faite, à ma grande déception.

Notons que la première réponse de la boîte à la Horde Noire était un message standardisé, grossièrement copié-collé, sans mise en forme, et qu'ils ont proposé de retrouver DIE APOKALYPTISCHEN REITER à... l'Elysée Montmartre, alors que le concert était à la Loco. Ils produisent un concert dans un lieu ultra-connu, où ils en ont déjà produit très souvent, et ils ne s'en souviennent plus ? C'est ce genre de "détails", mis bout à bout, qui révèlent pas mal de choses. Metal ou pas, l'industrie du spectacle reste partout la même. Et les petits groupes ou webzines, qu'ils se démerdent. Bravant ces quelques soucis, je n'en suis pas moins allé au Pagan Fest, qui offrait cette année une affiche tout à fait alléchante. D'abord, 3 groupes méconnus, et ensuite 3 têtes d'affiches, 3 groupes connus et reconnus (ou presque) chez les métalleux de tous les pays. Il est 19h30, je fais la queue pour rentrer. Un vieil américain, dont l'âge doit tourner autour de la soixantaine, me demande si je fais la queue pour le Moulin Rouge. Je lui réponds que non, il y a la queue pour la Locomotive, " yes, the place just after the Moulin Rouge, all over there ". Il acquiesce, mais ne bouge pas, et il commence à faire la queue avec moi. Il est habillé d'une chemise à rayures et d'un pantalon tout ce qu'il y a de plus banal. Avec ça et ses cheveux blancs, il détonne un peu au milieu des métalleux tout de noir vêtus... Une femme arrive. Je lui explique ce que j'ai expliqué au monsieur, et ils s'en vont vers le Moulin. Dommage, ç'aurait pu être rigolo.Arrivé dans la salle, je m'ouvre une petite bière. La fosse se remplit doucement, et à 20h, les lumières s'éteignent. Comme l'indiquent les palmiers gonflables posés sur la scène, c'est SWASHBUCKLE qui ouvre les hostilités, et passé une petite séquence de musique enregistrée, trois hommes en chemise à jabot et bicorne font leur apparition.

Venu des USA, SWASHBUCKLE joue un death thrash bourrin qui sans être transcendant donne vite le ton. Le chanteur gueule d'une voix grasse, le combo guitare-batterie devient rapide de temps en temps, et tout de suite les gens de la fosse se jettent les uns sur les autres. Pogo ! On se pousse, on est projeté, on se jette dos en avant... à toutes les chansons. SWASHBUCKLE ne restera pas dans les mémoires pour sa performance musicale, mais pour échauffer le public, ils sont parfaits. Un moment, ils ont l'heureuse idée de jeter un requin gonflable dans la fosse, et deux titres durant, le public oublie de pogoter pour taper sur le requin qui rebondit sans cesse en l'air. C'est con, mais c'est marrant. A la fin du set, une demi-douzaine de spectateurs se disputent le requin, tout dégonflé, en tirant dessus.

Ensuite vient EX DEO . Bien qu'il ait signé chez Nuclear Blast, ce groupe n'a pas renoncé à son identité puisqu'il exalte celle de la Rome antique. Des bannières SPQR, surmontées d'aigles impériaux, font leur apparition sur la scène ; les lumières s'éteignent, et on entend la musique de... 300 ! Vous voyez, dans le film, quand le jeune Léonidas revient à Sparte après avoir tué le loup ? Eh bien, c'est la musique de ce moment-là qui envahit la salle. Puissante, majestueuse, elle immobilise le public. Les lumières se rallument et ce sont les membres d'EX DEO qui sont sur scène. Moins bourrins que les précédents, plus mélodiques, ils jouent un death assez posé. Même si les mélodies sont rapides, elles sont plus complexes, plus propices au headbang qu'au pogo. Et le chanteur est bel homme. Les cheveux nattés, portant une épaisse armure de cuir, ce grand type est presque sensuel lorsqu'il lance des cris suraigus dans son micro. Sa voix lorgne tout à fait vers le black. Mais c'est un black raffiné, et la modeste majesté qu'il y a dans les mélodies n'a pas l'esprit black. Pendant tout le set, EX DEO reste ainsi posé, tout en donnant au public quelques moments forts pour pogoter.

Après, c'est SWASHBUCKLE qui revient ! Ah, non, en fait c'est ALESTORM ... Comme le premier groupe, ils se revendiquent d'un "metal pirate" (c'est la soirée des échappés de Disneyland ?) et comme lui ils jouent un death thrash bourrin. D'ailleurs, le chanteur de SWASHBUCKLE viendra prendre le micro lors d'un titre. Autant c'était drôle au début, pour se mettre dans l'ambiance, autant ça commence à devenir ennuyeux. Peu de contenu, aucune originalité, il n'y a pas grand-chose qui m'ait accroché.

Une fois ALESTORM reparti, le public se masse autour de la fosse. Une certaine tension est perceptible, et pour cause, c'est DIE APOKALYPTISCHEN REITER qui va monter sur scène. Rien qu'à voir le staff qui s'active devant nous pour monter un énorme tambour et une espèce de balançoire en métal, on se dit que ça va être énorme. Et en effet, je n'ai pas été déçu. Un homme aux trois quarts nu, portant un masque de cuir et une tenue fétichiste légère, salue le public. Puis les musiciens de D.A.R. arrivent, dont le fameux Fuchs, chanteur aux styles de voix multiples. Ce type est une bête de scène. Vêtu d'une veste militaire bleu ciel, il sourit en chantant, entraîne le public de sa voix puissante, avance les mélodies de chansons que les fans connaissent déjà, avec légèreté, tout en chantant à fond ; puis il prend une voix black, les riffs deviennent plus graves, et on pogote dans la fosse tandis qu'il serre une ou deux mains au premier rang, l'oeil pétillant...D.A.R. joue surtout des chansons de son dernier album. Adrenalin, notamment. Autant, sur album, j'ai voué ce titre aux gémonies - c'est quasiment un copier-coller de Benzin de RAMMSTEIN - autant sur scène le titre prend de l'ampleur. Avec une voix profonde et claire, Fuchs entonne le refrain : A-A-A-DRENALI-IN !, en soulevant de la main l'attention du public, tandis qu'une plateforme pneumatique le fait monter par-dessus la scène. Diverses petites surprises spectaculaires ponctuent le set. Et le groupe, par la voix de Fuchs, communique avec son public. Le chanteur fait monter sur la scène une jolie jeune fille, fait amener un canot pneumatique, et hop ! Un titre durant, la fille naviguera littéralement sur la foule. On rit en pogotant, et Fuchs égrène le morceau d'une voix grognée, laissant juste voir, de temps en temps, la clarté gutturale du chant allemand.

Certes, le côté symphonique des albums de D.A.R. (Licht excepté) s'efface beaucoup. Mais tout reste bien joué, on passe du clair des aigus à la lourdeur des graves en un instant, et l'enthousiasme de Fuchs est communicatif. Pour la première fois depuis le début du concert, lorsque le groupe quitte la scène, je me dis : déjà ?

Die Apokalyptischen Reiter - Pagan Fest

Die Apokalyptischen Reiter - Pagan Fest

C'est UNLEASHED qui prend la suite. UNLEASHED, un des pionniers du death metal, actif depuis bientôt vingt ans. Devant une telle pointure, on s'attend à un set énormissime et c'est justement le cas. Dès les premières notes, on sent le style particulier du groupe. Un jeu ultra-nerveux, millimétrique et en même temps surpuissant. Le gratteux enchaîne les riffs, tout va vite, c'est un tourbillon qui emporte la scène et la fosse ; parfois, il y a des breaks, et on n'a pas le temps de souffler que ça reprend aussitôt... Chaque musicien maîtrise parfaitement son instrument et en tire le maximum. Lorsque le public fatigue, écrasé par cette orgueilleuse puissance, le chanteur enchaîne sur un titre qui va réveiller tout le monde. " It's about the baby Jesus Christ ", dit-il, " a song called : the gratest of all lies ! ". Excité, le public se remet à headbanger et à pogoter comme au début. Deux mille ans de fureur contenue réactivent le déchaînement dionysiaque...
Le set d'UNLEASHED anéantit tout sur son passage, et toute la fosse applaudit, les mains au-dessus du front, lorsque le groupe quitte la scène. Les gens sont fatigués mais contents. Il est déjà une heure et quart, le dernier métro est pour bientôt... Certains s'inquiètent de l'heure, pourtant ce n'est pas fini, car il reste KORPIKLAANI, la tête d'affiche.

Unleashed - Pagan Fest

Unleashed - Pagan Fest

Sur album, KORPIKLAANI est festif ; sur scène c'est la même chose. A ceci près que le violon est limite suraigu et qu'on ne l'entend pas assez. Il y a aussi un accordéon, mais on ne l'entend pas du tout (si ce n'est au milieu du set, lorsqu'il introduit un morceau). Vers la fin, on commence à entendre la basse... tiens, il y en avait une ? Bon, KORPIKLAANI n'a pas inventé l'eau chaude, mais il faut reconnaître que leur set est entraînant. Dans le son surmixé du combo guitare/batterie émergent des airs nordiques et sautillants, et malgré la fatigue, danse et pogo sont au rendez-vous. Comment ne pas sauter sur place lorsque le chanteur entame le refrain de Journey man ? Ou sur un certain titre qui parle de cottages et de saunas ?

Après le set monstrueux d'UNLEASHED, le public n'aurait pas pu apprécier un autre excellent groupe, et comme SWASHBUCKLE a suscité les premiers pogos, KORPIKLAANI referme le concert avec un festivisme sympathique. Cela aurait sûrement été mieux si on avait entendu l'accordéon, ou si le violon était autre chose qu'un son trop aigu qu'on entend un titre sur trois. Mais bon, ce set avait quelque chose de chaleureux, alors on ne va pas s'en plaindre même si UNLEASHED aurait bien plus mérité d'être la tête d'affiche.

A deux heures et demie du matin, le public est dehors. C'est un peu tard. Personnellement, je crois que le concert aurait été plus appréciable s'il y avait eu un groupe de moins parmi les trois premiers. On se serait bien passé d'ALESTORM, histoire de garder plus d'énergie pour les trois suivants et surtout pour le très explosif UNLEASHED. J'entends un spectateur gueuler parce qu'il ne peut rentrer qu'à pied. Les défauts d'organisation, une fois de plus ! Garmonbozia, Cash Flouze & co veulent faire "fest" en mettant sur scène un maximum de groupes, si possibles affiliés à Nuclear Blast - il faut bien se faire de l'argent entre partenaires de l'industrie musicale - sans se soucier des contraintes élémentaires du public ; par exemple, le fait qu'on soit lundi, que certains se lèvent tôt le lendemain et surtout que beaucoup prennent le métro pour rentrer chez eux... Heureux conducteur, j'enfourche mon véhicule et je m'en vais, avec les gros riffs d'UNLEASHED et la voix de Fuchs dans la tête.

A-A-A-DRENALI-IN !

Geodaxia