31/10/2006
Eve, Saint Martin d'Hères (38)
Chaque année Halloween prend une ampleur de plus en plus exploitée commercialement et ludiquement en France. Le point positif de tout ça est que cette date kitsch est souvent l'occasion de bons concerts dans les styles dark et cette année c'est l'association Whispering Night qui nous a organisé une soirée des plus intéressantes intitulée Halloween's Negativity. Celle-ci est ciblée en fait black dépressif et aux antipodes donc du kitsch entourant cette fête commerciale. Et ce à un prix des plus intéressant, 7 euros seulement pour voir une des références du black dépressif dans une salle certes modeste puisque'appartenant à une association étudiante du campus universitaire avec effets de lumières réduits dont on peut se passer.
Alors que le public entre progressivement, Profondis Requiem attend dans la pénombre de la scène, prêts à démarrer, ce qu'il fera avec l'intro au synthé de rigueur. Au premier abord, il s'agit de black metal avec le maquillage de rigueur (évocateur et bien mélancolique pour le guitariste), t-shirt de groupes (Forgotten Tomb), pentagramme. Profondis Requiem officie bien dans le black dépressif. On retrouve bien ce son crade mais lancinant malgré des accélérations black. Burzum et Shining sont les principales influences évidentes de ce groupe de Besançon (25) qui en 45 minutes a bien réussi à créer une atmosphère dépressive.
Nocturnal Depression, le projet d'un membre de l'organisation ayant le privilège de faire venir dans sa ville l'un de ses groupes cultes et d'ouvrir pour lui, reprend le flambeau avec un black metal défini comme mélancolique. A leur arrivée sur scène, on retrouve un petit coté kitsch qui fait penser à du Gloomy Grim. Un membre en aube noir se trouve de chaque côté de la scène et le maquillage pourrait tirer sur le Fetid Adams pour l'un d'eux. Le chanteur porte le fameux t-shirt Burzum " Coming soon a church near you ". Mais il s'agit bien d'un black metal très lancinant, flirtant avec le doom, avec un coté proche du premier Dolorian. Avec sa croix renversée, le frontman a la volonté parfois de trop en faire. Sa voix criée peut être un peu monotone. On a là un ensemble un peu trop propre au monde du black mais bien dépressif et très intéressant. Le style du combo s'émancipe justement du black sataniste traditionnel pour opter pour le black dépressif (à mon avis là est l'essence même du black, la noirceur, les ténèbres...). On est donc bien loin des premières parties pathétiques habituelles de thrash ou death. Nocturnal Depression a d'ailleurs sorti déjà 3 albums sur leur label Whispering Night Producitons.
Evohe, de Chambéry (Savoie) dont l'origine revendiquée par des logos de drapeaux savoyards, prend la relève. On entre absolument dans une autre atmosphère. Aucun point commun avec le reste de la soirée, si ce n'est un t-shirt avec l'ancien logo de Katatonia. La scène se transforme vite en pogos devant ce black metal rapide et épique qui fait écho aux premiers Enslaved voir à Helheim. Le chant partagé entre trois chanteurs, deux à la voix black très bonne et une voix aux rares intonations death, se révèle très efficace. J'avais déjà vu le groupe lors de leur passage à Annecy il y a 3 ans et, déjà, il assurait sur scène. Il semble bien s'y adapter. Il est évident qu'étant l'alternative de la soirée leur style a fait bon effet sans justement détonner avec le cadre du black metal.
Ainsi on en arrive à la tête d'affiche avec Forgotten Tomb qui, comme Evohe, faisait partie des groupes Adipocère, maintenant signé chez Avantgarde Music. Le combo semble particulièrement attendu par une bonne partie du public. Forgotten Tomb était passé il y a seulement 2 ans à Lyon en tête d'une affiche bien trop diversifiée et avec un public plus porté sur le brutal death. Le revoici devant un public plutôt axé black dépressif, même si la surprise de cette Halloween anti-kitsch est la présence d'une part de black NS et autres skinheads qui s'illustreront dans quelques pogos inutiles car inadaptés à cette musique dépressive. Après quelques réglages, le groupe débute annonçant la couleur si l'on peut dire : " We are Forgotten Tomb from Italy and we play rock n'roll ! ". Second degré ou pas, Shining jouait bien déjà sur l'imagerie black suicidaire rock'n'roll. Lénigme reste entière surtout lorsqu'on constate la dégaine du " rockeur " qu'est Herr Morbid : chétif (d'ailleurs pas le seul sur cette affiche) avec un style un peu gitan avec son bandana. Enfin, c'est déjà mieux que son jogging torse nu d'il y a 2 ans et surtout plus honnête que tout ces groupes surlookés et stéréotypés ou encore bodybuildés... Le reste du groupe est plus classique et métalleux dans l'âme avec notamment les poses du bassiste (qui a au passage un paquet de groupes de black à côté). Vu la longueur des titres, peu seront joués (tout comme à Lyon). Deux nouveaux morceaux de l'album à venir Negative Melomania sont joués. On y entrevoit une expérimentation étrange sur un passage au chant peut-être plus rock'n'roll. Chacun des trois excellents albums du groupe sont honorés : Subway apathy de Springtime depression, l'excellent et incontournable Alone, le morceau très Katatonia vieille époque de Love's burial ground et pour finir le très Katatonique morceau Disheartment du premier CD Songs to leave, là encore l'un des meilleurs morceau du groupe. La prestation était donc aussi bonne que celle de Lyon deux ans auparavant. Que dire de plus ? Excellente soirée à la thématique excellente...