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Laibach : Jesus Christ Superstars

LAIBACH - Jesus Christ Superstars

Mute, 1996

Metal indus, Slovénie

CD

Plus besoin de présenter Laibach. Depuis bientôt 25 ans, cette formation slovène explore les arcanes de la musique sous différentes formes, immensément variées au fil des albums et des réalisations, mais avec toujours un point commun : l'aspect industriel. Des premières galettes bruitistes aux CD néoclassiques léchés, on retrouve chaque fois, d'une manière ou d'une autre, un côté indus plus ou moins affirmé. Boîtes à rythme, samples, bruitages, synthés ou instruments réels... Laibach est allé dans toutes les directions. Sans se priver d'une certaine froideur, d'un certain martialisme, que l'on retrouve sous différentes formes selon les changements de line-up.
Sorti en 1996, Jesus Christ Superstars a fait date dans l'histoire du metal puisque c'est l'album qui a inspiré RAMMSTEIN. En effet, Herzeleid a vu le jour deux ans après lui. Il y a fort à parier que sans Laibach, R+ n'existerait pas !

Pourtant, la plupart des chevelus qui agitent leur unique neurone en rythme ont connu les Allemands avant les Slovènes... Rien de bien étrange à cela, puisque les premiers n'ont fait que du metal indus et ont réussi à percer assez rapidement. Les seconds, eux, leur ont laissé la voie qu'ils avaient eux-même ouvert dans JCS et se sont dirigé vers la techno, ce qui ne pouvait guère inciter le public métalleux à s'intéresser à leurs produtions.
Avec cet album, Laibach s'aventure dans le metal avec un talent certain. Dès les premiers instants, on est happé par une rythmique entraînante - et on sent immédiatement la filiation : grosses guitares aux riffs simples mais denses, sons indus, batterie rapide et variée, chant grave... La dernière fois que j'ai fait écouter JCS à des gens qui ne connaissaient pas, ils m'ont demandé trois fois si c'était du RAMMSTEIN !
Les ingrédients sont les mêmes que chez R+. Sauf qu'ici, tout est entièrement original, \"expérimental\" comme on dit. On y trouve une certaine fraîcheur, moins de pathos (en dépit du sujet de l'album, la religion chrétienne, qui pourrait fort bien s'y prêter) ; le dithyrambe de Milan, au chant, aligne les double ou triple sens sur fond de grattes puissantes, de nappes de clavier, voire de chants grégoriens ( Kingdom of god, Abuse and confession ).
Après nombre de morceaux strictement martiaux, Laibach déverrouille le potentiel profondément joyeux et vitaliste des percussions. La batterie et les samples, les croches et les roulements de tambours, tout forme une alchimie qui réveillerait les morts. Pour les entraîner vers le Christ, sans doute... Ou pour lui offrir une caméra, histoire qu'il fasse son come-back devant les médias du monde entier (comme le dit ironiquement Milan dans Jesus Christ Superstar ) !

On a déjà beaucoup écrit sur Laibach, assez pour justifier le peu de chroniques qui lui sont consacrées ici. Cependant, RAMMSTEIN est trop connu par lui-même pour qu'on ne rappelle pas ses origines ; et puis, JCS vaut bien l'honneur d'un clin d'oeil, quatorze ans après. Jésus a attendu presque deux mille ans pour qu'un génie comme Vikernes vienne cramer ses églises, alors imaginez : même pas vingt ans, pour Laibach, ce n'est rien, \"culte\" ou non !
Le message du groupe, original et ambigu, comme toujours, ne se dévoilera pas à tout le monde. Mais l'important n'est pas dans le concept. Que celui-ci ait inspiré la musique ou non, c'est celle-ci qui est la plus importante et de très loin. Ecoutez l'orgue sur Abuse and confession , laissez-vous plonger dans l'aspect baroque de l'histoire de Judas telle qu'elle y est racontée ; difficile de dire que c'est le concept qui l'emporte...
Une dernière chose : si l'on compare les logos de Laibach et de R+, d'où croyez-vous que vienne le \"+\" du second ?

Geodaxia - 9/10