nuclear blast, 1998
Black Metal, Norvège
cd
Il y a une dizaine d'années je découvrais le groupe avec cet album et je pense ne mettre jamais remis de la gifle orchestrale que je reçus à l'époque. N'en déplaise aux ayatollahs et puristes, Destroyer reste pour moi la pièce maîtresse de Gorgoroth : que de rêves éveillés se sont bousculés alors dans ma tête d'adolescent attardé, tandis que je jouais du violon sur mon bras avec un couteau. Je le réécoute toujours avec nostalgie, je ne m'en lasse pas. Le seul point noir reste qu'il est sorti sous le label merdique ne nuclear blast, mais c'est le seul bémol. Il est l'un des rares albuums que je qualifierais de \"presque\" parfait, \"presque\" car l'art est toujours perfectible, n'est-ce pas ?
Du début à la fin, c'est un déferlement haché, hachuré, c'est lascéré d'émotions violentes jusqu'à l'asphyxie. On se laisse dériver dans un univers infernal, emporté et vogant vers une destination crépusculaire. On se prend à rêver de paysages lunaires, de sentiments imagés post-apocalyptiques, un Berlin des années zéros ou un Stalingrad revisité.
Une myriade d'intervenants se bousculent sur l'oeuvre : outre les Gaahl, Vrolok, Tormentor, Infernus, T.Reaper et Ares qui nous sont présentés en rang d'oignons lorsqu'on ouvre le boîtier, les compos et l'écriture sont toutes réalisées par Telnes, Tiegs et Kronenes. Mais Gorgoroth reste la Chose d'Infernus, il la modèle, la faisande la laisse pourrir pour la digérer.
L'album débute donc avec un premier morceau du même nom que le disque. Un volcan en ébulition, un magma qui affiche dès l'entrée la couleur, une répétition d'un jet uniforme, une envolée vers sa perte. Open The Gates, le second, est le titre que je préfère, il représente à lui seul ce qu'est le skeud, c'est-à-dire une merveilleuse rupture d'anévrisme qui nous plonge dans un coma abyssal. Les hurlements, la structure du morceau et les riffs sont dignes des grands, de ce pourquoi on peut aimer le black. Le cinquième titre relève de la mystique, il éveille une impertinente densité macabre, malsaine, un son très crade arrive jusqu'à nos tympans, crescendo, parcouru d'une voix extêmement dégueulasse et criarde. La tension est à son paroxysme lorqu'un chant monacale marque une rupture radicale dans la folie la plus crue, la plus primitive. C'est putride, les guitares et batterie deviennent affolantes, ponctuées d'une basse qui boucle la mortuaire béatitude.
Destroyer est une oeuvre d'art majeure, bouleversante dans un raffinement cruel, un son de guitare unique qui instaure un malaise omniprésent, une oppression palpable, une inversion des valeurs. Le mal devient bien, le laid devient beau, la nécrose est en germe dans mon esprît lorque les notes plombent mon cortex, plus rien n'a d'importance, je veux partir.
Du meilleur des années 90, l'âge d'or de la scène black norvégienne. Nobiscum Sathanas.