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K : Trois

Auto production, 2025

Martial Post Punk, France

Album CD

Karkasse, qui en incarne l’âme, présente K comme son jardin secret. On ne saurait imaginer plus juste définition. Déjà, il faut que nos oreilles aient la chances (ou pas) de tomber dessus, sans réelle promotion et du fait même de son nom, simple lettre qui n’aide pas à sa recherche dans l’infini du net. Surtout, son art (le mot n’est pas trop fort) est indescriptible, difficile. Sévère. A la lisière d’un black metal ravagé, d’un ambient pulsatif, d’un post punk décharné et de telluriques machineries industrielles, sans vraiment appartenir toutefois à aucun genre.

Au départ fruit de la copulation fiévreuse entre le violoncelliste de Nyss et Necropiss, chanteur de The Arrival Of Satan, K a fini par se réduire au seul Karkasse. Or, à l’écoute de ce troisième (et ultime ?) râle, on se demande comment celui-ci aurait pu être autre chose qu’une éjaculation solitaire tant son caractère intime sinon brutalement cathartique est évident. De sorte que "Trois" semble être la création vers laquelle K devait tendre, se diriger, se fracasser, se décomposer. Et mourir. Mais voir en lui une sorte d’aboutissement serait erroné. Il est plutôt une délivrance, comme un mal dont il faut se délivrer, comme un kyste qu’il faut vider de son pus corrosif.

Si "Untitled I" et "II" se révélaient déjà très personnels, le troisième côté ce triangle meurtri l’est donc plus encore, à la fois dans la forme et le fond. La forme, autarcique, est dictée par un artiste qui s’est chargé de tous les instruments parmi lesquels surnagent comme une vase grouillante, guitare cadavérique aux déjections polluées et violoncelle d’une austérité dramatique. Et cette voix qui hurle et râcle parfois, parle le plus souvent ou murmure et poisse l’ensemble d’une poésie sale et déglinguée qui macèrent dans les alvéoles d’une vie asséchée de toute joie. Est-ce vraiment de la musique d’ailleurs ? Celle-ci s’avère minimaliste, épandage de sonorités maladives qui font le lit d’une rumination vocale tour à tour hystérique ou lancinante.

Ce qui nous amène au fond, qui a quelque chose d’un déversoir, vue en coupe d’une âme tourmentée, où chaque mot prononcé porte d’indélébiles stigmates. Karkasse se met à nu. C’est dérangeant, mais bouleversant, presque tragique. (Dés)articulé en cinq mouvements comme autant d’étape d’un périple intérieur, "Trois" est une création insécable dont il faut extraire néanmoins le terminal ‘Letzte Krankheit [Fire Exit] qui surgit soudain et tranche par sa douceur trompeuse sous laquelle couve une tension sourde, déclaration d’amour belle et déchirante, portée par la mélopée mélancolique du maître des lieux qui s’épanche alors comme jamais, récit d’un amour absolu fauché par la mort et qui vous hante longtemps après s’être tu.

Bande-son âpre aux textures contrariées et meurtries, à qui peut bien s’adresser cette saignée ? A Karkasse lui-même au premier chef et plus généralement à tous ceux qui cherchent un carburant pour nourrir leur mal-être. 

Childeric Thor - 8/10