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Septembre 2008
Avec une actualité des plus chargées en cette rentrée, il était indispensable de questionner cette jeune formation genevoise qui commence de plus en plus à faire parler d'elle, et pas qu'en terre helvète! Malgré un emploi du temps qui laisserait même perplexe les manageurs les plus "overbookés" du moment, le groupe a pu m'accorder un peu de leur temps et a bien voulu répondre à toutes les questions qui m'empêchaient de fermer l'oeil, nuit après nuit... merci donc à eux!
Hail Rorcal! Même si les lecteurs de la Horde Noire commencent à vous connaître, pouvez-vous nous présenter le groupe? Quels étaient initialement les raisons qui vous ont pousser à créer Rorcal?
Rorcal est né début 2006 à Genève à l'initiative de Bruno et Diogo musiciens de LSP envieux de lever un peu le pied, d'entreprendre un projet plus atmosphérique que du chaos-grind. Il se compose de cinq membres issus d'autres groupes de région genevoise. Actifs depuis fin 2006, nous évoluons dans un Doom Post-Hardocre lent et oppressant. Ca chie, c'est gros, rauque et fort peu positif.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez une actualité des plus chargée en cette rentrée 2008! Il y a déjà la sortie de Myrra, Mordvynn, Marayaa, votre premier full-length. Comment, et où, s'est passé l'enregistrement de cette galette? Que signifie ce titre énigmatique?
MMM a été enregistré et mixé entre décembre 2007 et janvier 2008 par Steph Kroug au Wood Studio, à Genève et le mastering c'est fait au même endroit par un de ces collaborateurs. Il se compose de neuf titres qu'on a coproduit avec lui. Conceptuellement parlant, MMM est la B.O originale d'un conte, celui de la création d'un monde aux temps ou seul un océan se dessinait en sa surface et dans lequel trois créatures (Myrra, Mordvynn, Marayaa) régnaient. On connaît Steph (alias Krougshtur) depuis un bon moment. Dans certaine de nos précédentes formations on a déjà eu l'occasion de travailler avec lui. Il était donc assez naturel de nous tourner vers lui pour ce nouvel enregistrement. Il nous a supporté pendant environ 2 semaines, on s'est bien marré. Nous sommes ravis du son de MMM qui est rauque mais précis et extrêmement puissant. Il s'adapte à merveille avec les compositions.
Quels sont les retours que vous avez eus jusqu'à présent? Êtes-vous pleinement satisfait de votre signature sur ce label?
Thundering Rec nous offre une distribution mondiale ce qui est vraiment génial pour une première sortie. Les démarches administratives pour arriver à la sortie du disque ont été passablement longues, et ne sont pas encore achevées donc c'est un peu difficile pour l'instant d'avoir un avis concret. Thundering produit essentiellement des groupes de Heavy, Trash, Hard-Rock, etc. Bref, rien à voir avec la musique de Rorcal. Le réseau de promotion du label est axé – évidement – sur les styles qu'il préconise. Nous nous retrouvons donc parfois confrontés à des réactions à propos de MMM plutôt agressives et émises par des auditeurs visiblement très peu connaisseurs du genre. Nous avons parfois eut l'impression d'être jugé par une gente tout à fait inadaptée à critiquer un temps soit peu objectivement notre travail. La lenteur, la répétition et la longueur est propre au doom. De blâmer un CD se revendiquant de ce style par ce qu'il est lent, long et répétitif est l'indéniable preuve d'une incompréhension fondamentale de l'enjeu du disque. Mais outre ces quelques chroniques peu profitables liées à l'orientation musicale de Thundering, les critiques sont positives voir très positives ! Nous sommes donc satisfaits des retours pour le moment.
Vos morceaux sont rarement en dessous de la barre des 10 minutes. Comment se passe chez vous le processus de composition? Votre musique est lancinante, obsédante, certains riffs reviennent inlassablement entraînant l'auditeur dans ses plus sombres retranchements: est-ce difficile de garder une certaine cohésion/homogénéité lorsque vous composez? De ne pas tomber dans quelque chose qui pourrait être trop répétitif et par conséquent rébarbatif?
Nous n'avons pas de démarche précise de composition. Un riff vient, on le joue, le développe. Les idées fleurissent au fur et à mesure. Tout s'assemble au gré de nos inspirations. Tout se fait en essayant. Nous ne suivons pas de schéma. Les morceaux s'allongent dans le temps sans qu'un effort soir réellement produit à ce niveau. Que le répétitif devienne rébarbatif est une question délicate qui touche à l'affinité de chacun plus qu'à une quelconque logique. La répétition d'un riff est à vrai dire un débat encore ouvert au sein du groupe. S'il tenait à certains membres, on pourrait faire tourner un riff pendant les 70 minutes d'un CD ou les 40 minutes d'un live. D'autres s'emmerdent après 4 fois. On tâche donc de s'entendre sur un juste milieu... C'est très syndical, je te l'accorde.
Parlez nous de cette surprenante, mais très réussite, collaboration avec Mickael (Impure Wilhelmina, Vancouver)! Comment êtes-vous venus à bosser avec lui?
Les membres de Rorcal et de Impure sont amis de longue date. En 2007, je crois, nous avons ouvert pour Red Sparowes. JP étant alors absent, nous avons fait une première fois appel à Mickaël pour Rorcal, en tant que guitariste de session. Par la suite, Rorcal et Impure ont plusieurs fois joué ensemble. Bref, tout ce petit monde est copain. Nous sommes par ailleurs des immenses fans de Impure. Pour MMM, nous avions l'envie d'inviter des amis à collaborer. De convier Mickaël nous a paru très naturel. Nous avons choisi un morceau (Ether) qui aurait pu se prêter à des parties plus chantées et l'avons laissé libre de composer une ligne de champ à sa guise. Nous sommes très heureux du résultat. Cette apparition de voix claires et si particulières aux trois quart d'un disque jusqu'alors largement hurlé est à notre sens la bienvenue. Par ailleurs, sur un autre morceau (Dysrethmia), on peut retrouver Yonni Chapatte de Kehlvin/Yog qui beugle en duo avec Junior.
Outre cet album, l'œuvre Monochrome ne devrait plus tarder à sortir. Quel est le concept de ce morceau fleuve? L'auditeur, à l'écoute de ce morceau, sera sûrement surpris puisque l'on y retrouve des influences presque jazzy, qui ne sont pas sans rappeler un groupe comme Callisto: comment êtes-vous arrivés à composer cela?
Monochrome est un projet audiovisuel. Nous l'avons commencé il y a plus de 2 ans Nous avons alors entrepris de composer un morceau d'une longueur conséquente (35min) en collaboration avec divers musiciens de Genève. S'ajoutent ainsi à la base Rorcalienne du saxophone, des claviers et une voix féminine. On a commencé l'enregistrement en décembre 2006 juste après notre EP, ensuite on a passé les bandes aux différents concernés pour qu'ils fassent leur partie. Le mastering a ensuite été fait chez Fehlmann. Nous avons en plus coréalisé un film illustrant les diverses ambiances du morceau. On ne peut pas vraiment dire que Monochrome « sort » au sens commercial du terme. Disons plutôt qu'il arrive a son aboutissement : un live à huit sur scène avec le film en background que nous avons donné hier soir, à l'heure ou je te parle. Le CD studio du projet est par ailleurs disponible à notre stand lors de nos concerts ou peut être commandé via mail. C'est marrant, c'est la première fois qu'on compare ce projet à Callisto ! On aime beaucoup ce groupe, alors merci !
J'ai cru comprendre que vous sortiez Monochrome en autoproduction. Pourquoi ce choix?
En fait, nous sommes épaulés par l'association PTR (L'Usine) pour sa sortie. En plus d'une aide financière, l'asso nous a mis à dispo le magnifique cinéma Spoutnik pour le vernissage. Nous tenons vraiment à séparer Monochrome du reste du travail de Rorcal. Nous sommes certes les instigateurs et les compositeurs principaux du projet, mais celui-ci s'est ensuite réalisé grâce au concours des autres intervenants autant que grâce à Rorcal. Nous ne voulions pas que soit trop amalgamé Rorcal et Monochrome. C'est pour cela que nous n'avons pas essayé de le faire sortir via Thundering. Il est néanmoins clair que si le projet plait, des démarches de distributions pourraient être entreprises. On est ouvert à toutes propositions.
Ce n'est pas la première fois que vous vous lancez dans la composition d'un morceau dépassant la demi-heure: parlez-nous de ce Split « Ascension » avec les Kehlvin! Tous les retours que j'ai pu lire étaient unanimes: vous avez frappé très fort! Comment est venue l'idée de composer un morceau avec 10 musiciens?
Nous avons rencontré les Kehlvin en janvier 2007 à Delémont. Ca a été une sorte de coup de foudre tant sur le plan musical qu'humain. L'idée d'une collaboration est venue très vite et très naturellement. En mai 2007, nous nous sommes enfermés 4 jours chez les Kehlvin pour composer et enregistrer un morceau d'une demi-heure. A l'époque, Monochrome était déjà à peu près fini. Ascension est sorti il y a six mois environ sur Division Rec et Sigma Rec. Les retours ont effectivement été très en majeur partie positifs ! Le but n'était pas forcément de révolutionner le genre, mais plutôt d'exploiter un maximum la puissance générée par 10 musiciens jouant ensemble et le côté impulsif avec lequel le morceau a été composé.
Vous commencez à avoir une bonne expérience scénique: quel est votre meilleur souvenir? Et, a contrario, le pire? À quoi devons-nous nous attendre pour la prestation live de Monochrome?
La scène est très importante pour nous. Nous faisons vraiment l'effort de jouer un maximum et d'offrir au public un vrai live, et non une sorte de « répète en public ». Je pense que la musique de Rorcal prend toute son ampleur lorsqu'elle est jouée à 100DB avec des guitares frôlant le nez du public ! Chacun a des bons et moins bons souvenirs différents. Nous nous accordons à dire que l'ouverture de Saviours et Black Cobra à l'Usine, live organisé à l'arrach' trois jours avant, reste un des shows les plus brutaux qu'on a fait. Le Show avec Sludge au Romandie est aussi un très bon souvenir pour chacun d'entre nous. A l'opposé, nous avons eu, comme chaque groupe, 2 – 3 dates pourraves genre le Citron Masqué, à Yverdon, où nous avons eu un accueil pourri : payer les bouteilles d'eau pour la scène ou faire la vaisselle.
Monochrome en live a été un véritable spectacle son et lumière. Les spectateurs étaient bien logés dans les moelleux canapés du cinéma. Nous étions les huit musiciens sur scène et derrière nous était projeté le film.
Vous travaillez avec Last Day of Winter: parlez nous de cette structure, qui organise des (putains de) soirées de qualité, tel que ce Fjord Festival 2.0 dont vous faîtes partis d'ailleurs!
LDOW est géré par Julien Diels, un ami de longue date du groupe. Il est grand amateur de Post Hardcore, Doom, etc. C'est par passion qu'il organise de temps à autre des soirées consacrées au style. Principalement à l'Usine de Genève. Il expliquera sans doute mieux que nous son travail !
Vous allez prochainement partir en tournée avec les (très) talentueux et respectables Dirge: ou en êtes-vous au niveau des dates? Comment êtes-vous arrivés à partir sur les routes avec ce véritable pilier de la scène française?
Les dates avancent. Nous ne ferons que de longs Week end, travail de chacun oblige. Nous n'avons plus que quelques dates à trouver. Nous avons rencontré les Dirge il y a quelque mois à Genève, ou nous avons ouvert pour eux. Le courant est très bien passé. Du coup, nous avons convenu d'organiser une série de date ensemble. Malgré leur effective position de pillier, ce groupe, à l'image de la majorité des groupes évoluant dans le style, fonctionne de manière encore plus ou moins artisanale, ce qui facilite grandement le contact.
Vous êtes par ailleurs dès plus occupés, certains d'entre vous jouant également dans Lost sphere Project, formation grind aux antipodes des lentes lourdeurs de Rorcal! Quel est l'actualité du groupe? Comment expliquez-vous le fait que vous jouiez dans des formations aussi diamétralement opposées, musicalement parlant?
LSP existe depuis bientôt 8 ans. Ca fait seulement 1 ans que JP a rejoint le groupe. Avant c'était seulement Diogo et Bruno qui faisait parti du groupe. Il n'y pas vraiment d'explication du pourquoi il y a tant de différence entre les 2 groupes. C'est seulement du hard qu'ils apprécient de faire aussi. Niveau actualité, LSP sont en train d'enregistrer leur nouvel album et se prépare à taper très fort dans les couilles pour début 2009.
Et comme si cela ne suffisait pas, on a pu voir depuis quelques semaines la création de Cal of Ror! À nouveau, quels sont vos objectifs et vos motivations? Pensez-vous, par la suite, aller plus loin et pourquoi pas signer des groupes?
Cal of Ror est un double projet mené par Diogo et JP. D'une part c'est un projet musical inspiré des « landscapes » qui apparaissent dans les Cds de RORCAL, donc un truc méga ambiant avec en plus du chant féminin et d'éventuelles autres collaborations. D'un autre côté Cal of Ror est une petite distribution indépendante. L'idée était d'enrichir notre merch lors de nos concerts avec les Cds des collègues et des occaz qu'on rachète. Dernièrement on deal aussi avec des labels dont on est monstre fan pour avoir de leur catalogue. Pour l'instant on travail principalement avec Southern lord, Hydra Head et Irascible. Et ce mois-ci (septembre) on a notre première « sortie » avec le premier album de nos amis de LILIUM SOVA (chaotique jazzy) de Genève. Mais c'est plus un soutien moral qu'un soutien financier. On essaye de les aider le plus possible pour des concerts et c'est JP qui a produit leur CD.
Voilà où en est le projet actuellement.
Quels sont vos différents projets dans les mois à venir, outre cette tournée?
Nous allons progressivement nous remettre à la composition. Nous avons plusieurs projets sur le feu. On en dira plus dans quelque temps.
On peut voir que le second « R » dans le logo de Rorcal sur la pochette de Myrra, Mordvynn, Marayaa est inversé, comme chez un certain... Korn! Petit clin d'œil caché (et non avoué)?!... ou ressemblance/coïncidence fortuite?
Ouais en faite c'est Diogo qui a fait la pochette. C'est un fan incontesté de Korn. C'est ça qui l'a inspiré à faire du grind chaotique et après du doom...
Non plus sérieusement c'est inspiré de Napalm Death qui on fait un album avec le A à l'envers.
J'ai pu voir, à quelques reprises, que votre chanteur portait un tee-shirt qui pouvait porter à confusion: Rorcal est-il un groupe qui souhaite défendre les droits homosexuels, trop souvent bafoués, dans le milieu des musiques extrêmes?
Hahahahah ! On n'aurait jamais pensé se faire poser cette question ! Les orientations sexuelles de Christophe sont encore plus énigmatiques que le titre de notre album à vrai dire. Ce T-Shirt est une blague que nous lui avons faite. Il a décidé de pousser plus loin le gag en le portant sur scène. C'est du reste assez drôle de voir certaines photos de presses avec des gros plans de Christophe coupés à la hauteur de ce fameux T-Shirt, qui, suite à cette interview, à coup sûr, ressortira ! Si Junior prêche pour sa paroisse, nous n'en savons rien !
Neurosis a ouvert pour vous il y a quelques semaines lors de ce putain de VnV et vous a même félicité pour la prestation d‘Ascension: la consécration d'une vie?! JP, dont Scott Kelly a serré la main en le félicitant, a-t-il finalement pris la (fatidique) décision, et non des moindres, de se relaver les mains?
Nous sommes bien sûrs ravis d'avoir pu côtoyer ces sommités. De jouer avec des monstres n'est pas une fin en soi mais pour sûr, ça marque. Quand à JP, je ne crois pas qu'il avait l'habitude de se laver les mains... de toute façon.
On va conclure cette interview avant que les lecteurs de LHN finissent par ne plus vous/nous prendre au sérieux: je vous laisse donc la terminer comme bon vous semble... et plus de doooom!
A Genève, de nombreuses baleines sont emprisonnées dans les sous-sols. Devant l'ONU, il y en a des dizaines, dont nous ne pouvons apercevoir que le jet, déchirant désespérément les airs, comme un vain appel au secours. Mais le pire reste dans le lac, ou un balénoptère immense est retenu en captivité et ce, juste pour les yeux des touristes. De fureur, on le voit en permanence cracher un jet de plus de cent mètres de haut. Rorcal compte, dès que son agenda le lui permettra, s'engager dans la lutte pour la défense des baleines emprisonnées à Genève. Nous espérons être soutenus du public Doom. Bisous